Elle doit être discutée et j’ai cru comprendre qu’elle l’était déjà beaucoup…
Nous devons porter une position simple, fondée sur nos objectifs - qualité de service, soutenabilité financière, ambition sociale, respect de la sécurité, définition de perspectives d’avenir -, mais aussi sur une méthode respectueuse des situations nationales, selon le principe de subsidiarité, qui peut tout à fait s’appliquer aux modes de fonctionnement.
Certains pays dont les structures ferroviaires sont regroupées ou unifiées souhaitent les séparer pour plus d’efficacité ; d’autres souhaitent, au contraire, les réunifier ; d’autres encore essaient de faire preuve d’imagination et de créativité. C’est notre cas, avec ce modèle français que certains orateurs décrivaient comme étant à mi-chemin entre tel ou tel autre.
Ce modèle, nous vous le soumettrons, mesdames, messieurs les sénateurs, confiants dans les enrichissements que permet le débat parlementaire.
Avec un tel modèle, nous pourrons, certes, prendre en compte une réalité, celle de l’Europe, avec ses vertus, son ambition de construire un véritable schéma, un véritable réseau. Je crois à cet égard le commissaire Kallas sincère dans sa volonté de favoriser les échanges et la mobilité, de faire valoir une vision européenne de la sécurité et de l’interopérabilité. Cette ambition, nous l’avons insuffisamment souligné, doit permettre de construire une belle et grande Europe de la mobilité.
Mais, dans le même temps, notre modèle doit aussi être conforme à la conception française, à notre histoire du ferroviaire, à la réalité de nos territoires et à cette nécessité, tout simplement, de partager. C’est à partir de ce principe de subsidiarité et du respect des grands équilibres européens que nous aboutirons.
Ainsi donc l’ouverture à la concurrence n’est-elle pas inéluctable. La France a affirmé qu’elle n’interviendrait qu’en son temps. Des dates ont été fixées, mais l’ouverture n’est pas pour nous une priorité : non que nous soyons hostiles à toute évolution, mais pourquoi, alors que certains textes européens sont à peine stabilisés, notamment ceux qui définissent les obligations de service public, aller aujourd’hui remettre en cause des dispositions adoptées par des majorités politiques instables, précaires et acquises à l’arraché ?
J’ai donc demandé que nous puissions bénéficier de temps. Nous nous situons dans le temps long de l’organisation et de la structuration, afin de permettre les adaptations nécessaires ainsi que les expérimentations, dont nous devons pouvoir tirer les enseignements. Et ce qui est vrai pour le ferroviaire l’est d’ailleurs aussi pour d’autres modes de transport, je pense en particulier à l’aérien.
Notre position, c’est la quête de l’efficacité.
Certains d’entre vous ont demandé que ces textes soient évalués. C’était, je crois, la volonté exprimée par Mireille Schurch. Mesdames, messieurs les sénateurs, analysons ! Faisons le point ! C’est exactement la position que les autorités françaises ont adressée à la Commission il y a quelques semaines.
Notre objectif était, à partir de l’analyse de situations rencontrées et de l’évaluation de l’inflation textuelle que nous connaissons, de bénéficier d’une image précise, une photographie en quelque sorte, de ce qui est adapté, de ce qui l’est moins et de ce sur quoi il serait bienvenu d’intervenir.
La France a en outre proposé à la Commission que cette évaluation soit faite pour le ferroviaire comme pour les autres modes de transport, notamment le routier et l’aérien. J’espère que la Commission comprendra l’intérêt d’une telle démarche. Comme vous le voyez, nous nous inscrivons dans la suggestion, la discussion, la proposition.
Avec un certain nombre de pays amis, nous entendons faire valoir cette position. Comme vous, j’étais à Berlin il y a deux jours, pour le cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée. J’ai, à cette occasion, rencontré mon homologue, M. Peter Ramsauer. J’ai bien entendu, comme vous, combien ces enjeux de transport étaient sensibles également pour nos amis allemands. Nous faisons nôtres leurs ambitions, mais nous devons également faire valoir un certain nombre de nos réalités, qui diffèrent des leurs.
La France a fait part de sa position de façon très nette sur le quatrième paquet ferroviaire. Cette position est susceptible d’évoluer, parce que je ne commente que les textes qui me sont soumis une fois finalisés, et non des éléments qui n’en sont encore qu’au stade de la discussion.
Je vous rappelle, et c’est important, que nous avons enfin engagé des discussions avec le commissaire Kallas, qu’un dialogue s’est enfin noué entre la France et la Commission. Il est heureux que nous ayons pu nouer ou renouer ce lien, car la discussion est le seul moyen de faire entendre la position française et de la faire valoir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre stratégie n’est pas de jouer la chaise vide. Il s’agit pour nous au contraire d’affirmer une présence marquée, conformément à la volonté du Président de la République, sous l’autorité du Premier ministre. Et je puis vous assurer que chacun des ministres attache une importance particulière à la contribution de la France dans les discussions européennes.
La France a donc fait part de sa position, qui s’articule autour de quelques principes : un bilan de l’ouverture à la concurrence du fret ; une harmonisation des conditions sociales, au moins dans chaque pays, afin d’éviter la concurrence déloyale – ce qui est vrai chez nous dans le domaine qui nous occupe ici l’est également dans d’autres domaines – ; et le respect du principe de subsidiarité s’agissant de la gouvernance.
En effet, les États doivent pouvoir choisir un modèle intégré ou un modèle intégré entre le GIU et l’exploitant historique, dès lors que, et c’est une condition, l’égalité d’accès au réseau est acquise. Nous aurons à réaffirmer ce nécessaire point d’équilibre, mais ce volet étant encore en discussion, nous attendons les conclusions de la mission de concertation confiée à Jean-Louis Bianco et les apports des parlementaires.
Très en amont, la France a agi pour que le quatrième paquet ne contienne pas d’obligation de séparation. Dans certaines formules, il était envisagé, je vous le rappelle, de rendre cette séparation obligatoire dès le 1er janvier 2013. Cette disposition n’existe plus.
Liberté est donc donnée à tous de réfléchir aux modalités d’évolution de leur système respectif.
Vous le voyez, les discussions sont en cours. Aucune décision définitive n’a été prise ; en tout cas, aucune discussion ne sera close avant d’avoir été ouverte ! Je ne me résigne pas, comme d’autres collègues, à devoir accepter des positions dont nous n’avons pas même été définitivement saisis.
Il reste encore un certain nombre de jours, voire de semaines. Laissons mûrir les propositions, car nous avons tous intérêt à ce que la Commission européenne améliore son texte en fonction des discussions en vue de présenter un dispositif qui soit le plus acceptable possible.
Quoi qu’il en soit, nous serons très vigilants pour que, si cette obligation de séparation devait être formulée, elle ne soit pas maintenue, afin que le pôle public unifié ait une vraie réalité.
Voyons maintenant ce qu’il en est des actions concrètes d’ores et déjà engagées.
Vous avez tous évoqué la rénovation du réseau.
À cet égard, j’ai demandé au mois d’octobre dernier à RFF, à la suite de l’audit réalisé par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, dont les conclusions soulignaient la dégradation progressive, bien que ralentie, des infrastructures, de me proposer, avant l’été, un « plan rail », avec l’objectif d’améliorer l’entretien des infrastructures.
Ce plan, de plus de 2 milliards d’euros, est, vous le savez, indispensable pour améliorer la qualité de service des transports. Il s’agit d’une priorité pour RFF, ainsi que je l’ai précisément indiqué dans la lettre de mission que j’ai adressée à son nouveau président, Jacques Rapoport.
Concernant le matériel roulant, je ne m’attarderai pas ici sur l’enjeu majeur qu’il constitue pour la compétitivité de nos entreprises à l’extérieur, tant la filière ferroviaire est la vitrine de la France. Le savoir-faire français en la matière, qui est souvent loué, est une réalité. En témoignent les nombreuses commandes qui sont passées.
Vendredi 11 janvier, j’ai annoncé avec Arnaud Montebourg et Nicole Bricq, lors du comité stratégique de la filière ferroviaire, le déblocage d’une première enveloppe de 400 millions d’euros en 2013 afin d’amorcer la politique indispensable de renouvellement du matériel roulant des trains d’équilibre du territoire, les TET.
La répartition des compétences entre les régions et l’État mérite d’être affinée. Là encore, j’ai bien compris qu’une main était tendue. L’État participe déjà, je tiens à le souligner, et j’y reviendrai si vous le souhaitez, à une mobilisation financière importante.
Au-delà de cette enveloppe, nous avons souhaité voir rapidement mise en place une deuxième phase du financement du renouvellement du matériel roulant, en vue de donner une lisibilité à l’industrie ferroviaire. Tout le monde l’affirme, qu’il s’agisse des grands industriels du Nord – Pas-de-Calais ou de ceux d’autres régions encore, l’industrie ferroviaire connaîtra un trou d’air en 2015 : les carnets de commande ne sont pas suffisamment remplis pour assurer la soutenabilité financière et maintenir la compétitivité.
C’est pourquoi nous avons conjointement saisi les différents acteurs industriels – Arnaud Montebourg le rappellera sans doute ce soir encore – leur demandant de commander le TGV d’avenir, le TGV de demain, à l’horizon 2018. J’espère que nous y parviendrons, car ces commandes sont un soutien important pour nos industries.
Par ailleurs, une réflexion a été engagée sous l’autorité du Président de la République à propos de la mobilisation des investissements innovants ou des investissements d’avenir. Voilà pour les TET.
Dans le même temps, nous voulons donner aux régions les moyens d’assurer elles-mêmes les commandes publiques, à hauteur de plusieurs milliards d’euros pour le renouvellement des TER. Certes, la possibilité existe de mobiliser les fonds d’épargne, sous une forme ou sous une autre. Nous savons bien que l’épargne est là – la France est l’un des pays qui en bénéficient le plus –, et elle ne demande qu’à être mobilisée, mais encore faut-il la rendre active, afin que les générations futures en tirent profit, madame Schurch.