Madame la ministre, le mois de janvier est traditionnellement celui des vœux, et d'abord des vœux de santé. Cela prouve que la santé est, pour chacun, le bien le plus précieux !
Toutefois, l’accès à la médecine de proximité n’est pas égal pour tous nos concitoyens sur l’ensemble de notre territoire.
Selon les atlas régionaux de la démographie médicale, le nombre total des médecins en activité devrait diminuer de 10 % à l’horizon 2025. Demain, le manque de médecins généralistes sera criant, et les patients auront à en souffrir.
Pour preuve, alors que, en France, un bassin de vie compte, en moyenne, 4, 2 médecins généralistes pour 5 000 habitants, 50 % des bassins de vie bretons sont caractérisés par une densité inférieure à cette moyenne. C’est le cas, par exemple, de nombreuses communes du Centre-Bretagne, telles La Trinité-Porhoët, ou de plusieurs communes du canton du Faouët, dans le Morbihan.
La situation est encore plus dramatique lorsque l’on examine les chiffres concernant les médecins spécialistes. Ainsi, selon une étude de l’UFC-Que choisir relative à la cartographie sanitaire en Bretagne, 21 % de la population bretonne réside à plus de 40 kilomètres d’un spécialiste, taux qui s’élève à 27 % pour les spécialistes dits « de secteur 1 ».
Que dire des spécialités comme la gynécologie médicale et obstétrique ? En Bretagne, 110 des 142 bassins de vie ne recensent aucun de ces médecins, dont les compétences sont pourtant indispensables à la santé des femmes ! Selon une enquête de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, et de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, 12, 2 % des jeunes femmes de 20 à 24 ans ont déclaré ne pas bénéficier de suivi gynécologique en 2010, contre 6, 9 % en l’an 2000. Est-il acceptable qu’une femme morbihannaise soit contrainte de faire plusieurs dizaines de kilomètres ou de subir des délais d’attente excessifs pour accéder à un tel suivi ? Bien évidemment, la question se pose également pour les femmes des autres départements ! C’est une régression dans la lutte des femmes pour leur liberté, pour laquelle l’accès à des soins de gynécologie est une clef essentielle d’émancipation.
Madame la ministre, vous n’êtes pas responsable de la situation actuelle, marquée par un important recul. Dans le Morbihan, ce dernier s’est notamment traduit par la fermeture de maternités de proximité, comme celles d’Auray et d’Hennebont, dans le cadre des fusions.
Vous avez récemment présenté le pacte « territoire-santé ». Les mesures annoncées vont dans le bon sens pour réduire la fracture sanitaire ; je pense notamment au revenu garanti. Mais des interrogations importantes restent écartées, comme celle de la liberté d’installation des médecins, « intouchable », selon vous, du fait « des craintes d’un déconventionnement des praticiens et notamment des spécialistes ».
De très nombreux maires morbihannais me font part de l’angoisse que suscite chez eux le prochain départ à la retraite de leur médecin généraliste. Plusieurs communes, comme celles de Gourin, Melrand ou encore La Trinité-Porhoët, ont d'ores et déjà accueilli un nouveau médecin généraliste de nationalité roumaine, trouvé sur Internet par le biais d’une petite annonce.
De plus, les spécificités du territoire morbihannais – insularité dans le golfe, population résidentielle et touristique, concentration des services et aménagements sur la bande côtière – aggravent les facteurs d’érosion médicale.
Dans ces conditions, madame la ministre, pourquoi ne pas aborder la question de la nomination, pour un temps donné, des professionnels de santé en fonction des besoins collectifs – et non des intérêts privés – ou, à tout le moins, d’une régulation de leur installation ?
J’ai été attentif à vos récentes annonces, mais pouvez-vous également m’indiquer quelles mesures supplémentaires vous comptez prendre, en termes de prix et de localisation géographique, afin de replacer l’égalité et la justice au cœur de notre système de santé, par un meilleur accès aux soins ?