Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’urgence qu’il y a à renforcer les outils législatifs à la disposition du ministère du redressement productif. La situation actuelle de trois entreprises du département de l’Allier permettra d’illustrer mon propos.
L’usine JPM est installée à Avermes, près de Moulins, depuis 1963. En 1997, elle a été rachetée par le groupe Assa Abloy, leader mondial de la fabrication et de la vente de serrures, portes et équipements de sécurité. Elle employait alors 425 personnes.
Ce groupe est en bonne santé : son résultat d’exploitation est en hausse régulière et le bénéfice par action a doublé depuis 2004. À l’occasion de la présentation du rapport annuel, en avril 2012, le président du groupe confirme ces bons résultats et présente des projets d’expansion, dont l’acquisition d’une usine à Leling, en Chine. Deux mois plus tard, le groupe Assa Abloy annonce la fermeture totale de l’usine d’Avermes pour 2013.
Nous sommes bien là en présence, madame la ministre, d’une stratégie de délocalisation, minutieusement élaborée depuis quelques années. Les salariés d’Avermes l’ont d’ailleurs dénoncée à maintes reprises, à l’occasion de précédentes vagues de licenciements, puis lors du déménagement de certaines machines-outils. Ils demandent aujourd’hui qu’une loi puisse interdire la fermeture des sites rentables.
Ma première question, qui rejoint les attentes de très nombreux salariés victimes de tels licenciements, est donc la suivante : quand le ministre du redressement productif compte-t-il soumettre au conseil des ministres puis aux assemblées le projet de loi dit « Florange », relatif à la mise en place d’un dispositif de cession obligatoire des sites rentables ? Sur cette question, il y a vraiment urgence !
Les deux autres exemples que j’évoquerai présentent bien des similitudes avec le premier.
La fonderie d’aluminium de Vaux, proche de Montluçon, a été reprise en janvier 2011 par le groupe américain DMI. Ce groupe s’est alors engagé devant le tribunal de commerce à renforcer le carnet de commandes par l’apport de nouveaux clients importants. Cet engagement n’a pas été tenu ; bien au contraire, la fonderie a vu sa capacité de production s’amenuiser, certaines fabrications étant transférées à l’un des sites américains du groupe. Le comité d’entreprise a dénoncé à plusieurs reprises ces dérives, qui conduisent à placer, une nouvelle fois, la fonderie en redressement judiciaire.
Autre exemple, Transcom France, filiale du groupe suédois Transcom Worldwide, a repris en 2006 les 100 salariés du centre de télémarketing de Montluçon. Elle a obtenu une aide du conseil régional d’Auvergne, en promettant de développer l’activité pour parvenir, en un an, à l’occupation complète des 250 postes de travail installés par la chambre de commerce et d’industrie. Or le centre de Montluçon n’a jamais employé plus de 160 salariés. Qui pis est, faute d’avoir suffisamment diversifié sa clientèle, l’ensemble de la filiale française a dû être placée en redressement judiciaire après l’arrêt de quelques contrats importants.
Dans les deux cas que je viens de décrire, les comités d’entreprise ont avancé des propositions alternatives. Leur parole n’a, hélas, pas été prise en considération. Ils dénoncent aujourd’hui l’abandon de sites qui pourraient être rendus rentables, pour peu que l’on s’en donne les moyens.
Vous connaissez, madame la ministre, l’excellence de l’expertise des instances représentatives du personnel. Ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire d’étendre l’obligation de consultation du comité d’entreprise à la stratégie de l’entreprise, ce qui permettrait d’aborder dans de meilleures conditions les périodes de restructuration, si elles s’avèrent inévitables, et, surtout, de prévenir d’éventuelles difficultés ?