Madame la sénatrice, sachez que le Gouvernement suit avec attention la diffusion du prêt viager hypothécaire, qui vise, comme vous l’avez souligné, à permettre à des propriétaires de tirer des ressources de leur bien immobilier tout en y demeurant. Ce dispositif a été créé en garantissant une protection assez large de l’emprunteur. L’ordonnance du 23 mars 2006 relative à la sûreté, qui a notamment permis de réformer l’hypothèque, permet aux particuliers de bénéficier d’une flexibilité accrue dans le recours au crédit immobilier.
L’offre commerciale des établissements de crédit à destination des personnes âgées en matière de crédit à la consommation progresse. Les statistiques de l’Observatoire des crédits aux ménages montrent que les ménages séniors constituent une part croissante du nombre total de ménages ayant accès au crédit à la consommation : les 55-64 ans représentaient ainsi près de 16 % des ménages disposant d’un crédit à la consommation en 2009, contre quelque 13 % en 1989. Cette évolution d’ensemble est en partie liée à l’amélioration du niveau de vie des séniors, qui exerce un effet positif sur leur accès au crédit, et à l’allongement de leur espérance de vie, qui réduit le risque présenté jusqu’alors, du point de vue des établissements de crédit, par l’octroi d’un prêt à un « jeune sénior ».
Ce produit connaît cependant un succès relativement limité auprès des consommateurs séniors : dans la période comprise entre juin 2007 et fin janvier 2010, 4 329 prêts de ce type, pour un montant total de 352 millions d’euros, ont été accordés. Cela tient à plusieurs facteurs.
En premier lieu, en dépit de la garantie apportée par l’hypothèque, le coût du risque supporté par le prêteur demeure assez élevé. En effet, contrairement à ce qui se passe pour un prêt classique, la dette est remboursée in fine, le remboursement comprenant le capital et les intérêts capitalisés. Dès lors, l’établissement de crédit porte un double risque : le risque de longévité de l’emprunteur, qui peut conduire à un accroissement de la dette au-delà de la valeur du bien hypothéqué du fait de la capitalisation des intérêts ; le risque d’évolution à la baisse du marché immobilier, se traduisant par une baisse de la valeur du bien en dessous du montant de la dette anticipée. Ce second risque a vraisemblablement pesé sur le développement de ce produit, dont le lancement est intervenu peu de temps avant une période marquée par une incertitude forte sur la valeur des biens immobiliers, voire par des baisses importantes de cette valeur dans certaines régions. Au total, les établissements de crédit qui ont cherché à développer ce type d’offre rapportent que les conditions de viabilité économique des prêts viagers hypothécaires correspondent à des niveaux de taux effectif global élevés, qui dissuadent une partie de la clientèle potentielle.
En second lieu, le démarchage est interdit en matière de prêts viagers hypothécaires, dans un souci de protection du consommateur. Cela constitue un obstacle pratique au développement de ce type de produit, puisque la population concernée est a priori moins mobile que la population générale et que, s’agissant d’un produit récent, des efforts commerciaux spécifiques auraient été nécessaires pour le faire connaître lors de son lancement.
En conclusion, le prêt viager hypothécaire est un produit dont les limites sont intrinsèquement liées à son mode de fonctionnement, destiné à protéger le propriétaire du bien. Il est difficile d’envisager une diminution des taux effectifs globaux pratiqués, qui pourrait d’ailleurs se traduire par des phénomènes de sélection des risques excluant davantage de séniors de l’accès au prêt viager hypothécaire.
Nous continuons à suivre ce dossier de près, l’objectif étant de maintenir la protection de l’emprunteur tout en favorisant le développement du dispositif.