Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 29 janvier 2013 à 14h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question du statut de l’élu est, depuis longtemps, le serpent de mer de la vie publique. Pourtant, force est de constater que, au fil du temps, et singulièrement ces vingt dernières années, le législateur a progressivement construit un ensemble de garanties constitutives d’un tel régime. Cependant, celui-ci ne répond pas, loin s’en faut, aux attentes des élus locaux. La proposition de loi, adoptée le 30 juin 2011 à l’unanimité par le Sénat – je la connais bien, puisque j’en étais le coauteur avec Marie-Hélène Des Esgaulx –, mais qui n’a jamais été examinée par l’Assemblée nationale, visait à répondre à ces questions.

Postérieurement, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a conduit une réflexion sur le statut de l’élu.

La dernière retouche à ce dispositif vient d’intervenir : c’est l’amélioration, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, du régime de protection des élus locaux.

Pour nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, ainsi qu’ils viennent de le rappeler, il s’agit, dans la mesure du possible, de prolonger raisonnablement le régime en vigueur en ciblant les dispositions les plus nécessaires pour endiguer le déclin des candidatures aux responsabilités locales et maintenir la vitalité et la diversité de la démocratie locale.

Le mandat électif ne constitue pas un métier, non plus que l’exercice de certaines fonctions exécutives une activité salariée. Ils ne relèvent donc pas du même régime de protection. Cependant, il est rapidement apparu nécessaire de tenir compte des conséquences, pour leur activité professionnelle, des contraintes auxquelles sont soumis ceux qui ont choisi de servir l’intérêt général par leur appartenance aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Cela relève d’ailleurs d’un impératif démocratique de permettre à chacun, quels que soient ses revenus, de déclarer sa candidature aux élections locales.

Si le principe de gratuité des fonctions électives demeure affirmé par la loi, il a été aménagé par l’effet de la démocratisation du système électif. Aujourd’hui, la loi reconnaît aux élus le droit d’être remboursés des frais résultant de l’exercice du mandat et leur ouvre la perception d’une indemnité correspondant à l’exercice effectif d’une fonction locale.

Le cadre financier d’exercice des mandats locaux réside tout à la fois dans la mise en place de garanties financières et le bénéfice d’une protection sociale. La dernière loi de financement de la sécurité sociale est intervenue pour prévoir l’affiliation des élus locaux percevant une indemnité de fonction au régime général de la sécurité sociale et l’assujettissement des indemnités de fonction à cotisation sociale, sous condition de seuil.

Parallèlement à ces garanties, le législateur a mis en place des mécanismes destinés à concilier mandat électif et activité professionnelle. Ces aménagements sont de deux ordres : des droits d’absence, tels que le congé électif, l’autorisation d’absence ou le crédit d’heures ; le droit à la suspension de l’activité professionnelle ouvert à certains titulaires de fonctions exécutives, complété, à l’expiration du mandat, par un droit à réintégration professionnelle dans le précédent emploi ou un emploi analogue, ou, après plusieurs mandats, une priorité de réembauche, pendant un an, dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre.

Trois dispositifs visent à sécuriser la sortie du mandat : le droit à un stage de remise à niveau lors du retour dans l’entreprise ; le droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences ; l’allocation différentielle de fin de mandat pour ceux qui ont suspendu leur activité professionnelle pour exercer leurs fonctions. Le montant mensuel de l’allocation, qui est versée pendant six mois maximum et ne peut l’être qu’au titre d’un seul ancien mandat, est au plus égal à 80 % de la différence entre le montant de l’indemnité brute mensuelle versée pour l’exercice effectif des fonctions électives et l’ensemble des ressources perçues à l’issue du mandat.

Les dispositions contenues dans cette proposition de loi sont ciblées et certaines figuraient déjà dans la proposition de loi de 2011, dont je vous ai déjà parlé.

La commission des lois a adopté, en la prolongeant, la démarche proposée par les deux auteurs de la proposition de loi, nos collègues et amis Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. Celle-ci lui a paru de nature à traiter les causes d’une désaffection, déjà constatée, pour les fonctions électives : complexité croissante de la gestion locale, difficulté à concilier activité professionnelle et mandat électif, incertitude de l’avenir pour ceux qui ont abandonné leur métier pour mieux se consacrer à leur fonction publique.

C’est pourquoi, dans l’esprit qui a conduit à l’adoption de la proposition de loi de 2011 visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, la commission des lois a adhéré aux mesures raisonnables et réalistes préconisées par les coauteurs de la proposition de loi. Ces dispositions pratiques visent essentiellement à tenir compte de la complexité croissante de la gestion locale et à favoriser l’entrée et le maintien au sein des assemblées délibérantes des élus salariés, trop souvent tiraillés entre leurs responsabilités locales et leurs obligations professionnelles.

Les améliorations proposées sont consensuelles. Je le répète, plusieurs d’entre elles ont été unanimement adoptées en 2011 ; d’autres ont été avancées par nos collègues Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet à l’issue de la réflexion qu’ils ont menée au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

La commission des lois a cependant complété le dispositif proposé, d’une part, pour mieux protéger les élus et, d’autre part, pour élargir les modalités de leur formation.

Elle a tout d’abord complété le régime de formation des élus locaux, dont Antoine Lefèvre s’était occupé en son temps. Dans ce cadre, la commission a institué l’obligation, pour les membres des assemblées délibérantes ayant reçu délégation, de suivre une formation au cours de la première année de leur mandat. Cette mesure est destinée à faciliter l’exercice des responsabilités au sein de leur collectivité, alors que la gestion locale se caractérise par une complexité croissante.

Par ailleurs, les élus locaux auront la faculté de bénéficier d’un droit individuel à la formation, d’une durée annuelle de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat. Les droits ainsi constitués pourront aussi contribuer à la réinsertion professionnelle de l’élu à la fin de son mandat.

La commission a ensuite abaissé de 3 % à 2 % du montant total des indemnités de fonction le plancher du montant prévisionnel des dépenses de formation des élus, ce qui est vraiment raisonnable. Cette enveloppe lui est en effet apparue plus conforme aux contraintes budgétaires des collectivités locales, sans toutefois préjudicier à la nécessité de former les titulaires d’un mandat local et d’assurer l’effectivité du droit à la formation.

La commission a également accru les facilités offertes pour concilier exercice du mandat et activité professionnelle. À cette fin, elle a adopté plusieurs mesures destinées à renforcer les garanties existantes : elle a ainsi étendu le champ du bénéfice du congé électif aux candidats salariés des communes de 1 000 habitants au moins ; elle a institué un crédit d’heures pour les conseillers municipaux des communes dont la population est comprise entre 1 000 et 3 500 habitants ; elle a étendu le statut de salarié protégé aux maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, ainsi qu’aux présidents de conseil général et régional et à leurs vice-présidents ayant reçu délégation ; elle a complété les cas de suspension du décompte de la période de validité de la liste des lauréats à un concours de la fonction publique territoriale pour y intégrer les élus, le temps de leur mandat.

Enfin, la commission a souhaité clarifier le régime indemnitaire. C’est pourquoi elle a institué, au profit du budget de la collectivité à laquelle appartient l’élu concerné, le reversement de la part écrêtée au-delà du plafond fixé par la loi, en cas de cumul de rémunérations et d’indemnités.

Ce texte se résume à une série de petits pas, me direz-vous. Oui, il ne provoquera pas la révolution dans le Landerneau des élus, mais, progressivement, nous avançons, et c’est bien là l’essentiel !

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