Intervention de Christian Favier

Réunion du 29 janvier 2013 à 14h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun en convient, les 550 000 élus locaux que compte notre pays sont un atout formidable pour notre démocratie, pour le lien social et pour le maintien d’un aménagement concerté du territoire. Aussi notre groupe, comme l’ensemble de la gauche, s’est-il toujours fixé l’objectif de mettre en place un statut de l’élu, afin de faire entrer dans notre droit positif un ensemble de mesures permettant la mise en œuvre de l’article 1er de notre Constitution, aux termes duquel la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Ce débat est particulièrement ouvert depuis les premières lois de décentralisation. On considérait alors que le statut de l’élu était un pilier indispensable à la mise en œuvre de ces lois et constituait une exigence démocratique. Or, trente ans après, il faut bien reconnaître que nos assemblées locales, communales, départementales et régionales sont loin d’être à l’image de notre société. Femmes, jeunes, citoyens issus de l’immigration, salariés du privé, ouvriers et employés sont, chacun le reconnaît, insuffisamment représentés. Quant au pluralisme, il est trop souvent absent.

Pour remédier à ces situations, il faut sans aucun doute revivifier le débat politique local et revoir nos modes de scrutin pour que chaque citoyen soit représenté dans toutes les assemblées de notre République.

Il faut aussi que nos élus soient respectés dans leur mission, qu’ils ne voient pas leurs compétences constamment rognées et leurs capacités d’interventions diminuées par des moyens financiers qui se dégradent d’année en année. Aussi, à la veille d’un nouvel acte de décentralisation, ouvrir le débat sur le statut de l’élu nous semble nécessaire. C’est pourquoi, lorsque le président Bel, au lendemain des états généraux de la démocratie territoriale, a fait part de sa volonté de faire adopter rapidement par le Sénat un texte sur le statut de l’élu, nous lui avons exprimé notre soutien.

Nous regrettons cependant, malgré l’intérêt des débats qui ont eu lieu en commission sur les amendements, que les groupes n’aient pas été réellement associés à la définition des objectifs d’un tel texte et que ses auteurs ne se soient pas davantage appuyés sur la commission et la délégation dont ils sont membres pour le rédiger. Cela étant dit, nous comprenons qu’ils se soient limités à quelques dimensions de la question, qu’ils aient cherché à régler des difficultés d’application de mesures déjà prises et à en élargir le champ d’affectation. Les conditions d’examen des propositions de loi ne permettent pas, on le sait, de faire des réformes de grande ampleur.

Aussi, avec ce texte, même limité, il nous semble que nous faisons œuvre utile. Nous ne devons pas refermer, pour autant, le dossier du statut de l’élu. Au contraire, à partir de la présente proposition de loi et des premiers débats qu’elle a suscités en commission, et compte tenu de l’actualité législative des prochains mois – je pense, en particulier, à la perspective de la nouvelle loi de décentralisation –, tout nous incite à aborder l’ensemble des problématiques qu’il nous faudra bien mettre à plat pour écrire un véritable statut de l’élu codifiant ses droits et ses devoirs.

Il ne s’agira pas, alors, de dresser seulement la liste des mesures qui permettront de faciliter l’exercice d’un mandat. Même si celles-ci devront y être introduites, l’objectif d’un tel statut sera avant tout de favoriser l’investissement de tous les citoyens au service de la collectivité, de sécuriser leur engagement, d’assurer la sauvegarde de leur vie personnelle, familiale et professionnelle, de conforter leur mission, de respecter leur mandat. Il faudra également redonner confiance à tous nos concitoyens en la loyauté des élus qui les représentent.

Pour permettre de telles avancées, ce statut, que nous appelons de nos vœux, devra non pas seulement concerner les membres des exécutifs, comme c’est souvent le cas actuellement, mais s’adresser également à tous les élus qui font, disons-le, la vraie richesse de notre démocratie.

Dans son rapport, notre collègue Saugey a rappelé, à grands traits, les différentes étapes des mesures prises pour faciliter l’exercice d’un mandat local. Avec pertinence, il a noté la concomitance de celles-ci avec des lois approfondissant les libertés locales et avec l’accroissement des compétences décentralisées.

Nous ne doutons pas, madame la ministre, qu’un chapitre de votre projet de loi de décentralisation sera consacré à ce sujet. Dans cette attente, soulignons les avancées et aussi les limites – il faut bien le reconnaître ! – du texte qui nous est soumis.

Comme le souligne le rapport de la commission, l’objectif des auteurs de la proposition de loi était de favoriser la mise en œuvre rapide de préconisations ciblées visant à améliorer les mesures qui permettent, aujourd’hui, de faciliter l’exercice d’un mandat local. Nous partageons leurs préoccupations. Aussi soutenons-nous les mesures qui tendent à harmoniser le niveau d’indemnisation des maires en le fixant de manière automatique dans l’ensemble des communes, quelle que soit leur taille. De même, nous approuvons l’attribution d’une indemnité de fonction aux membres de l’organe délibérant des communautés de communes ayant reçu délégation du président, comme cela était déjà le cas pour les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles.

Ces restrictions spécifiques appliquées aux plus petites communes ou aux formes d’intercommunalité les moins intégrées étaient, il faut bien le dire, pour le moins discriminantes. Cette harmonisation est donc la bienvenue. Nous apprécions, par ailleurs, la clarification portant sur la nature fiscale de l’indemnisation des frais d’emploi.

Le deuxième axe de cette proposition de loi vise à faciliter l’exercice d’un mandat par des salariés.

Nous ne pouvons que soutenir toute amélioration dans ce domaine, car les difficultés rencontrées par ces citoyens freinent fortement, et de façon certaine, leur engagement dans un mandat électif. Nous nous félicitons donc des propositions de la commission, qui a élargi le champ des mesures applicables dans ce domaine.

Cependant, chacun le sait, ces mesures sont d’une application souvent difficile.

Tout d’abord, cela tient au fait que de telles dispositions législatives relèvent pour l’essentiel du code général des collectivités territoriales, alors qu’il conviendrait qu’elles soient codifiées aussi dans le code du travail, qui est la seule référence juridique régissant les relations entre un salarié et son entreprise.

L’amendement que nous avons déposé sur cette question tend à introduire dans ce code, en l’élargissant, l’une des mesures proposées par la commission. Il s’agit aussi d’un amendement d’appel visant à obtenir du Gouvernement qu’il retienne un projet prévoyant systématiquement une double inscription de chacune des dispositions relatives au statut de l’élu salarié, à la fois dans le code général des collectivités territoriales et dans le code du travail.

Ensuite, nous le savons tous, si le code dit le droit, son application et son respect relèvent bien souvent des tribunaux. Il faut donc prendre toutes les mesures possibles visant au respect de l’engagement citoyen, afin que la République ne s’arrête plus à la porte des entreprises, comme c’est encore trop souvent le cas.

Enfin, pour ce qui concerne la formation des élus, si nous ne pouvons que souscrire à la mise en place d’un plancher prévisionnel de dépenses, nous ne comprenons pas pourquoi notre commission a réduit son montant de 3 % à 2 %. La proposition figurant dans le texte initial n’était pourtant pas excessive ; il ne s’agissait d’ailleurs que d’une prévision, et non d’une dépense obligatoire.

Cette proposition de diminution est à notre avis un mauvais signal, qui réduit l’importance de l’essor, pourtant nécessaire, qu’il conviendrait de donner à la formation des élus. Nous proposerons donc de rétablir la proposition initiale des auteurs du texte.

Sur cette question, vous me permettrez d’ouvrir un débat sur l’effectivité de ce droit à la formation des élus.

Compte tenu du coût des stages de formation et des moyens financiers limités dont disposent un grand nombre de nos communes, il est souvent difficile aux élus de solliciter une prise en charge. Ne faudrait-il pas réfléchir à une forme de mutualisation des dépenses de formation, afin de permettre à tout élu, quelles que soient la taille et la richesse de sa commune, d’avoir accès à une formation de qualité ?

Ce sujet mériterait une réflexion plus poussée, qui ne se limiterait ni à la fixation d’un plancher de dépenses ni même à celle d’un plafond, lequel, du fait de la modicité des indemnités versées, ne permet pas vraiment de mettre en œuvre cet effort de formation, dont nous sommes tous conscients qu’il est nécessaire.

Cette question est d’autant plus d’actualité que la commission a ajouté dans le texte un article 6 bis, que nous soutenons, visant à rendre obligatoire une offre de formation au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu délégation. Or cette mesure entraînera des dépenses, sans que soient assurées les ressources nécessaires dans nombre de communes. Sauf à considérer qu’une dotation spéciale sera versée aux communes pour faire face à cette obligation... Je crains que l’air du temps, qui est plutôt à la baisse des dotations, ne le permette pas !

Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’effectivité de ce droit reste encore à construire.

La même question se pose à propos d’un autre droit, et fait l’objet de l’un de nos amendements. Il s’agit du droit à remboursement de frais engagés du fait de l’exercice d’un mandat électif. Il conviendrait à notre avis, sur ce point, d’adopter la même démarche que les auteurs du texte à propos de l’article 1er.

En effet, il est parfois difficile pour un élu salarié de demander à sa collectivité le remboursement d’heures durant lesquelles il a non pas travaillé, mais participé à une mission relevant de son mandat. Tel autre élu aura du mal à solliciter la prise en charge des heures de garde pour un parent malade dont il a la charge ou pour la nourrice s’occupant de ses enfants. Le code général des collectivités territoriales est pourtant clair : il peut demander le remboursement de ces frais. Or combien le font ? Et combien de communes disposent-elles des moyens financiers pour faire face à ce type de dépenses ?

Dans ce domaine, là encore, la question de la mutualisation des dépenses se pose, tout comme celle de son automaticité, et donc de l’effectivité de ce droit ouvert à tous les élus. Avancer dans ce sens permettrait, sans nul doute, de faciliter grandement l’exercice d’un mandat local.

En conclusion, si nous ne pouvons qu’exprimer notre accord avec l’ensemble des mesures contenues dans ce texte, nous regrettons tout de même la modicité de son objectif et craignons même qu’il puisse être interprété comme un ensemble d’avantages supplémentaires octroyés aux élus.

Les années de campagnes démagogiques visant à mettre en cause la compétence des élus, leur loyauté à l’égard de l’intérêt général et même leur honnêteté ont laissé des traces dans l’opinion publique, qui est aujourd’hui encore très inquiète.

Conduire une réforme globale et instituer un véritable statut de l’élu est plus que jamais nécessaire pour que chacun retrouve confiance.

Nous partageons cette préoccupation et espérons que cette nécessité sera prise en compte dans les futurs textes que nous soumettra le Gouvernement. Tel est le vœu que nous formulerons en adoptant cette proposition de loi.

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