Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 29 janvier 2013 à 14h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

En se formant, d’autres catégories socioprofessionnelles peuvent s’imposer dans la compétition électorale. Ainsi, la mise en place d’un véritable statut de l’élu doit notamment permettre d’éviter que certaines professions ne monopolisent les fonctions électives.

Aujourd’hui, le droit individuel à la formation des élus est reconnu par la loi. Le droit à la formation est validé si la formation que souhaite suivre l’élu est dispensée par un organisme agréé. Les frais de formation constituent une dépense obligatoire pour la collectivité locale, laquelle doit avoir expressément délibéré sur le montant de la ligne budgétaire concernée.

Lors des auditions que j’ai menées dans le cadre de mon rapport, j’ai pu constater qu’il n’était pas rare que des élus minoritaires aient du mal à obtenir les crédits relatifs au droit à la formation et qu’ils soient même obligés de prendre à leur charge personnelle les frais de formation. Cela n’est pas acceptable.

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a renforcé ce droit à la formation, puisqu’une délibération des assemblées locales devient obligatoire en début de mandature afin de fixer les orientations de la formation et de déterminer l’utilisation des crédits. Malheureusement, ce droit reste encore trop peu mis en œuvre par les élus.

Le montant maximum des dépenses de formation votées au budget de la collectivité ne peut excéder 20 % du montant total des indemnités de fonction que peuvent percevoir les élus de cette collectivité. En réalité, on observe, là encore, une sous-consommation des crédits potentiellement disponibles.

C’est pourquoi l’instauration d’un plancher minimum de crédits budgétaires consacrés à la formation des élus locaux, égal à 2 % du montant des indemnités pouvant être allouées aux élus de la collectivité, accompagné de la mise en place d’un dispositif de report des crédits de formation non dépensés d’un exercice budgétaire à un autre jusqu’à la fin du mandat en cours, satisfait les propositions que j’ai formulées au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales. Le texte va même plus loin, en prévoyant une augmentation du pourcentage minimum de dépenses consacrées à la formation, que j’avais proposé de fixer à 1 % et que le rapporteur, Bernard Saugey, a évoqué avec précision tout à l'heure.

Ainsi, dans les petites communes, où les sommes consacrées à la formation sont souvent modestes, leur addition sur plusieurs années permettrait de financer une action de formation pour l’ensemble des élus. La limite du mandat en cours permet de ne pas engager l’assemblée délibérante issue des élections suivantes.

Je me félicite aussi du contenu de l’article 5, relatif à la valorisation des acquis de l’expérience professionnelle.

Bien sûr, rien n’interdit aux élus locaux qui le souhaitent de valoriser l’expérience acquise au cours de leur mandat ou encore d’établir un bilan de compétences. Mais il s’agit d’initiatives personnelles, engagées dans la perspective d’un projet professionnel et ne pouvant être prises en charge par le budget de la collectivité puisqu’elles ne sont pas en lien direct avec l’exercice du mandat local.

Vous le savez, la question de l’après-mandat est une préoccupation récurrente des élus locaux. À l’évidence, la réinsertion professionnelle des élus sur le marché du travail est inextricablement liée à la formation. Des formations diplômantes existent aujourd’hui, qui constituent une solution à privilégier pour favoriser la sortie du mandat. Elles méritent d’être développées et mieux appréhendées par les élus locaux.

C'est pourquoi j'ai proposé la création d'un organisme collecteur national, au travers duquel les élus pourraient financer directement leurs formations diplômantes dans le cadre d'un « droit individuel à la formation », sur le modèle de celui qui existe pour les salariés du privé. Il s’agirait de créer un « 1 % formation », alimenté par une cotisation obligatoire des élus et exclusivement destiné à financer des formations en vue de la réinsertion professionnelle.

Cette mesure présenterait l'avantage, d'une part, d’instaurer une mutualisation entre élus – quel que soit le nombre de mandats – et, d'autre part, de bien distinguer ce qui relève de la formation dans le cadre de l'exercice du mandat et ce qui relève de la formation personnelle de l'élu pour sa réinsertion professionnelle.

Cette recommandation de mon rapport, que j'ai soumise à la commission des lois via un amendement, a été retenue puis intégrée au rapport de notre collègue Saugey ; je tiens à l’en remercier.

Aujourd'hui, le droit à la formation s'exerce spontanément, sur la base du volontariat, le principe étant la liberté de choix pour l'élu local.

Parfois, j'entends parler d'« obligation de formation ». Pour ma part, je reste convaincu qu'il convient, en la matière, de préserver la liberté de l'élu local, ce qui va à l’encontre de ce que propose notre collègue Alain Anziani, qui préconise, lui, de rendre cette formation obligatoire.

Si la formation des élus locaux doit reposer sur le principe du volontariat, en revanche, pour que la demande potentielle soit clairement cernée, il faut que l’on dispose d’informations sur le niveau actuel de formation des élus locaux. Or aucune étude précise ne permet aujourd'hui d'évaluer le « profil sociologique » des titulaires de mandats locaux, qu’il s’agisse de leurs diplômes, des formations qu’ils ont pu suivre ou des acquis de leur expérience professionnelle. De telles statistiques seraient pourtant précieuses, car elles permettraient de mieux identifier les besoins et, ainsi, de mieux structurer l'offre de formation.

C'est ce qui m’avait conduit à proposer de missionner le ministère de l'intérieur pour constituer un groupe de travail – éventuellement piloté par le CNFEL, le Conseil national de la formation des élus locaux – qui serait chargé de conduire une étude sur le profil sociologique des élus locaux. Mais cet amendement, considéré comme superflu, n'a pas été retenu, ce que je regrette.

J'en viens à la couverture sociale des maires. Des amendements que j’avais déposés sur ce point ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution : ainsi, je n’ai pas été en mesure de proposer d’améliorer le régime de retraite des élus locaux ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à leur mandat. Certains de mes collègues qui avaient rédigé des amendements similaires ont, semble-t-il, subi la même sanction…

Si la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a apporté des améliorations à cet égard, tous les élus ne peuvent pas encore acquérir de droits à pension auprès du régime de retraite par rente spécialement constitué en faveur des conseillers municipaux, généraux et régionaux – il s’agit des dispositifs FONPEL, le fonds de pension des élus locaux, et CAREL, la caisse de retraite des élus locaux. Or cette exclusion est d'autant plus injuste qu'elle s'applique à des élus ayant consenti d'importants sacrifices en se consacrant entièrement à leur mandat et en se dévouant ainsi au service de leurs concitoyens.

De plus, ces élus sont pénalisés en matière de retraite par le niveau généralement modeste des pensions servies, au titre de leur mandat, par le régime général de sécurité sociale – retraite de base – et par l'IRCANTEC.

Outre le respect de la plus élémentaire équité, la mesure que j'avais proposée présentait un double avantage. D’une part, elle améliorait le statut des élus locaux et contribuait ainsi à lutter contre la « crise des vocations » constatée en ce domaine, particulièrement dans les petites communes. D’autre part, en affiliant des assurés supplémentaires au régime de retraite par rente des élus locaux, elle apportait à celui-ci de nouvelles recettes et confortait, par là même, sa situation financière.

Toutefois, je reste confiant, pensant que je pourrai un jour – peut-être lors du débat sur le prochain projet de loi sur les retraites – aborder à nouveau cet aspect de la retraite des élus locaux.

Pour l’heure, j’estime que la présente proposition de loi va dans le bon sens et je la voterai avec conviction, en attendant qu’elle soit utilement complétée. §

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