Intervention de Virginie Klès

Réunion du 29 janvier 2013 à 14h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà deux heures et demie que je tente de compter – en vain, je dois le confesser ! – le nombre de fois où les mots « statut de l’élu » ont été prononcés, alors même qu’ils n’apparaissent nulle part dans le texte soumis à notre examen, et croyez bien que je les y ai cherchés !

Cher collègue Pierre-Yves Collombat, je vais tenter de vous rassurer : non, le « statut » de l’élu local n’est pas un gros mot, en tout cas à mes yeux.

Les élus locaux ne constituent pas, d’ailleurs, la seule catégorie de Français désirant obtenir un statut. Leur demande, en outre, n’est pas illégitime. Leurs missions, tâches ou fonctions, qui n’ont rien à voir avec la pratique de loisirs ou un désir de se cultiver, relèvent certes de leur choix – et de celui des citoyens –, mais donnent également lieu à un versement d’indemnités, ainsi qu’au paiement de charges fiscales et sociales. Elles entraînent la responsabilité de ceux qui les exercent. Elles imposent une obligation de présence, d’intervention, de décision. Elles requièrent la possession de compétences techniques, acquises grâce à une formation. Elles donnent éventuellement lieu au renouvellement de l’engagement pris si l’on considère que l’intéressé a fait ses preuves, comme pour un salarié en CDD.

C’est un peu comme le Canada Dry : cela ressemble à un métier, mais ce n’est pas un métier ! En fait, exercer un mandat, c’est exercer plusieurs métiers, tant est grande la diversité des missions, actions et engagements des élus locaux.

Alain Anziani l’a dit : en la matière, il ne faut faire preuve ni de démagogie ni d’angélisme. Les élus locaux sont issus de la société, ce qu’on a coutume d’appeler la « société civile ». Ils sont à son image. Ils sont très souvent investis dans leurs missions, convaincus de l’intérêt général, qui ne sera jamais, cela a été dit, la somme des intérêts privés, aussi complète que soit cette somme.

Mais les élus locaux peuvent aussi se tromper, consciemment ou non, volontairement ou non. Eux aussi peuvent déraper.

L’exercice du pouvoir s’accompagne pourtant d’un premier devoir : celui de l’exemplarité. On peut favoriser cette exemplarité par des mesures dont certaines figurent dans le texte qui nous est présenté aujourd’hui. Je pense, notamment, aux dispositions relatives aux salariés protégés. À mon sens, c’est une excellente chose que le maire d’une petite commune, s’il est toujours salarié d’une entreprise, puisse être considéré comme un salarié protégé. Cela permettra d’éviter les pressions pouvant s’exercer sur lui pour l’obtention d’un permis de construire ou d’une autorisation administrative, par exemple.

Il me semble donc que le statut – Zut, j’ai dit un gros mot ! Mais je n’en trouve pas d’autre ! – de salarié protégé sera d’une grande utilité, en particulier pour les maires des plus petites communes.

Je pense également à l’obligation, pour les membres des assemblées délibérantes ayant reçu délégation, de suivre une formation au cours de la première année de leur mandat. En tout cas, il est obligatoire de leur en proposer une. C’est, là encore, une excellente chose, car l’acquisition de compétences leur permettra de ne pas se tromper et de mieux résister à certaines pressions.

Le contrôle visant à éviter les dérapages ou, le cas échéant, à les réprimer, doit se faire sans excessive sévérité, mais sans complaisance non plus. Sur ce point, la présente proposition de loi ne va sans doute pas assez loin. Beaucoup reste à faire pour apporter une solution satisfaisante aux problèmes posés par les conflits d’intérêts ou les malversations. La publicité des condamnations ainsi que celle de la durée de l’inéligibilité qu’elles entraînent sont d’autres points sur lesquels il conviendrait de se pencher.

En somme, c’est bien sur l’image des élus en général et des élus locaux en particulier, dont l’exemplarité, je l’ai dit, doit être le premier devoir, qu’il faut encore agir. C’est un travail de longue haleine, et je gage que nous aurons encore beaucoup d’heures à y consacrer.

S’agissant des droits des élus locaux – c’est volontairement que j’ai commencé par évoquer leurs devoirs –, le présent texte les améliore indiscutablement.

Il me semble néanmoins opportun que l’État impose le niveau maximal des indemnités auxquelles ils ont droit et que l’élu qui le désire puisse ensuite décider d’en diminuer le montant.

Le texte améliore également les dispositions relatives à la protection sociale et à la retraite des élus, s’inscrivant ainsi dans la lignée, notamment, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Pour autant, je pense que nous n’allons pas assez loin. L’amendement que j’avais déposé et qui visait à faire avancer les choses, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Eh oui, celui-ci a encore frappé ! Le dépôt de cet amendement avait été motivé par une considération de santé publique. En effet, il ne me paraît pas normal que le maire, qui est aussi un employeur, n’ait pas à se soumettre à une visite médicale annuelle ou bisannuelle tendant à vérifier son aptitude physique, tout simplement parce qu’il ne dispose pas d’un statut qui le requiert. Il serait pourtant important de vérifier qu’il n’est pas tuberculeux, qu’il ne risque pas de contaminer ses employés communaux, ou encore qu’il a bien l’aptitude psychique et morale pour remplir les tâches qui lui ont été confiées à travers l’élection. Les débuts des maladies neuro-dégénératives sont parfois très insidieux ; ils rendent pourtant un élu local incapable d’assumer la fonction pour laquelle il a été désigné par ses concitoyens. En matière de médecine du travail, vous le voyez, mes chers collègues, il y a des choses à faire.

La protection en cas d’accident survenu dans l’exercice des missions d’élus qui restent salariés de leur entreprise est un point sur lequel il conviendrait également de se pencher. Voilà moins d’une semaine, un accident a impliqué des conseillers municipaux de ma commune qui sont encore salariés de leur entreprise. Par chance, ils ont seulement été placés en observation à l’hôpital pendant quelques heures. Mais si cela avait été plus grave, si l’accident avait entraîné une invalidité partielle permanente, s’ils avaient perdu leur travail, qui aurait compensé – et comment ? – les charges de famille ? Un vrai chantier est à engager sur ce sujet, madame la ministre !

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