Intervention de Raymond Couderc

Réunion du 29 janvier 2013 à 14h45
Exercice par les élus locaux de leur mandat — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Raymond CoudercRaymond Couderc :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Parlement a voté deux lois majeures, l’une en 1992 et l’autre en 2002, pour reconnaître des garanties aux élus.

Mais ces dispositions semblent de moins en moins suffisantes face aux contraintes que représente l’exercice d’un mandat électif durant le parcours professionnel et citoyen d’un Français.

En effet, et chacun d’entre nous le sait bien, le bonheur d’être élu par ses concitoyens est un privilège que nous nous devons d’honorer en mettant toute notre énergie au service de nos administrés.

Pour autant, il ne faut pas oublier que les élus sont, malgré tout, des citoyens comme les autres. Ils ou elles ont des familles à charge, des crédits à rembourser, des enfants dont il faut financer les études et des inquiétudes pour l’avenir.

Aujourd'hui, bien plus que par le passé, un citoyen qui souhaite s’investir dans sa collectivité en tant qu’élu prend un grand risque, tant professionnel que financier, non seulement pour lui, mais également pour sa famille.

Auparavant, il était facile de se mettre au service de sa collectivité pour quelques années, puis de revenir dans le monde professionnel ; c’était même valorisant eu égard aux compétences acquises. Mais, désormais, en période de grave crise économique, le fait de quitter un emploi stable constitue à la fois un réel déchirement et un vrai pari sur l’avenir. C’est la raison pour laquelle nombre des candidats potentiels se désistent.

C’est aussi pour cela que seuls les ressortissants de quelques catégories socioprofessionnelles peuvent aujourd'hui se permettre d’envisager sereinement un investissement à temps complet ou partiel dans des fonctions d’élu local. Je pense aux retraités, aux salariés de très grandes entreprises et, plus encore, aux fonctionnaires, qui peuvent bénéficier sur leur demande d’une mise en disponibilité de plein droit durant la durée de leur mandat, aux termes d’un décret du 13 janvier 1986. Et s’ils ne souhaitent pas se représenter ou ne sont pas réélus par la suite, ils peuvent sans difficulté rejoindre leur corps d’origine.

Il n’est pas aisé d’obtenir des chiffres précis sur la répartition socioprofessionnelle des élus locaux. Mais l’exemple national qu’est le Sénat, émanation des élus locaux et assemblée représentative des élus locaux puisque la plupart d’entre nous le sont également, révèle une tendance. Avant le dernier renouvellement de notre assemblée, le 25 septembre 2011, près de 41 % des sénateurs étaient issus du secteur public alors que, selon l’INSEE, les fonctionnaires représentaient en moyenne 18, 57 % des actifs. Or, depuis le dernier renouvellement, les sénateurs issus du fonctionnariat représentent près de 43 % de notre effectif total.

Loin de moi l’idée de stigmatiser un secteur professionnel, d’autant que, ancien professeur d’université, j’en ai moi-même fait partie. Il reste qu’une telle évolution est emblématique et traduit la diminution du nombre d’élus issus du secteur privé.

Je suis inquiet quant au risque qui pèse sur la représentation politique des Français pour l’avenir. On peut craindre de ne plus trouver de volontaires pour se présenter aux élections locales, sinon parmi les retraités et, pour ce qui est des actifs, parmi les fonctionnaires ou les salariés de très grandes entreprises. Comment une assemblée locale pourra-t-elle être représentative si la quasi-totalité de ses membres proviennent des mêmes secteurs d’activité ?

En ces temps de crise, nous ne pouvons pas nous passer de personnes compétentes et motivées qui souhaiteraient se présenter à des fonctions électives, mais qui y renoncent de peur de ne pas retrouver de travail par la suite.

Il est nécessaire que les assemblées élues soient vraiment représentatives de la population, tant par âge que par sexe ou par catégorie socioprofessionnelle.

À cette fin, nous devons sécuriser le parcours de l’élu – c’est ce que l’on appelle le statut – pour permettre à toutes les forces vives de la nation de s’investir dans la représentation locale et nationale.

La présente proposition de loi nous permet de faire un pas dans la bonne direction, mais le parcours risque d’être encore long !

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