Intervention de Jacky Le Menn

Réunion du 13 septembre 2010 à 15h00
Gestion de la dette sociale — Adoption d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn :

Pour prendre en charge la détérioration des comptes sociaux, l’État pourrait par ailleurs intervenir sérieusement sur les niches sociales et fiscales.

L’annonce faite par M. Baroin sur les modalités de taxation des prélèvements sociaux des contrats d’assurance-vie multi-supports et la taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d’assurance constitue un premier pas, un petit pas. Celui-ci est cependant insuffisant car, comme le relève très justement le rapporteur général de la commission des affaires sociales, ces recettes « n’offrent pas les garanties de stabilité et de dynamisme nécessaires », et « la taxation des réserves de capitalisation des sociétés d’assurance est une mesure à un coup ».

Il faudra donc trouver, avant 2012, d’autres niches à « raboter » – avec non pas un petit rabot mais une grosse varlope de charpentier – de façon à pouvoir véritablement assurer la pérennité des ressources nouvelles à affecter, par cette voie, à la CADES.

Deuxième piste : augmenter d’une manière responsable la CRDS, qui est la ressource essentielle de la CADES.

Au projet du Gouvernement de solliciter d’ores et déjà les ressources et les actifs du Fonds de réserve des retraites ou FRR et de reculer la fin de vie de la CADES, nous proposons de substituer la fixation d’un niveau de CRDS apte à reprendre les déficits des régimes vieillesse dans une proportion de 59 milliards d’euros.

Mes chers collègues, vous savez que le taux actuel de la CRDS est de 0, 5 % et que son assiette est plus large que celle retenue pour la CSG. Nous pourrions porter ce taux à 1 %, ce qui permettrait d’apporter un supplément de ressources à la CADES d’environ 5, 9 milliards d’euros par an de 2011 à 2020.

On peut aussi étudier la possibilité de moduler le taux lui-même, ou seulement son augmentation, en fonction des différentes assiettes sur lesquelles ce taux s’applique en lui donnant une valeur différenciée selon les cibles concernées.

À cet égard, je rappellerai – M. Vasselle l’a fait il y a quelques instants – que, lors de l’examen du PLFSS pour 2010, le Gouvernement a repoussé la proposition de la commission des affaires sociales, qui préconisait une première reprise de dette pour un montant de 20 milliards d’euros par la CADES accompagnée d’une hausse modérée de la CRDS, hausse qui aura tendance à s’accentuer si nous tardons à agir. À nouveau, nous le regrettons.

Troisième piste : majorer spécifiquement et très sensiblement, dans un esprit de solidarité, d’équité et de modernité, le taux de la CSG « patrimoine », qui cible les revenus patrimoniaux, et le porter de 8, 2 %, son taux actuel, à 11 %.

Le produit de cette majoration, soit 3, 8 milliards d’euros par an, serait affecté en ressources nouvelles à la CADES jusqu’à l’extinction du dispositif en 2021. Cette mesure permettrait une reprise de dettes de près de 38 milliards d’euros qui concernerait plus spécialement le déficit du régime vieillesse.

Soulignons qu’il n’est pas illogique de solliciter davantage les revenus du patrimoine pour combler la part du déficit engendré par les retraites. Aujourd’hui, en effet, une part significative du pouvoir d’achat des ménages provient des revenus non salariaux d’origine patrimoniale, à savoir les revenus fonciers et financiers.

Selon de nombreux économistes, le maintien d’un financement quasi exclusif des retraites par des cotisations salariales ne se justifie plus vraiment. Ainsi, la retraite ne devrait plus être considérée comme un « salaire différé » mais bien comme un « revenu global différé », avec les conséquences que cela suppose.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous articulions les propositions que notre collègue Bernard Cazeau et moi-même venons d’évoquer, nous pourrions reprendre 130 milliards d’euros de dette sociale, ce qui correspond au schéma que le Gouvernement nous soumet aujourd’hui. Cependant, nos propositions, contrairement au projet du Gouvernement, permettraient de ne pas obérer le fonds de réserve des retraites et de maintenir la date d’extinction prévue pour la CADES, 2021. Nous accomplirions ainsi un acte responsable s’il en est vis-à-vis des générations futures.

Monsieur le ministre, pour terminer, je réaffirme que le groupe socialiste votera contre ce projet, en solidarité avec les générations à venir, en solidarité avec notre jeunesse, dans l’espoir que celle-ci puisse garder pleinement confiance dans un système de protection sociale à la française qui, malgré ses difficultés actuelles, doit continuer à allier solidarité, équité et responsabilité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion