Le texte qui nous est présenté aujourd’hui a une portée essentielle puisque, au-delà de ce projet de loi organique, trois textes importants à venir comportent des éléments relatifs à la dette sociale. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a déjà mis l’accent sur ce point.
Il s’agit du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, du projet de loi de finances pour 2011 et du projet de loi portant réforme des retraites actuellement en débat à l’Assemblée nationale et non, monsieur le ministre, au Sénat !
À ce titre, nous nous associons à M. le rapporteur général, qui soulignait très justement la difficulté que nous avions à analyser de manière globale et claire la réforme qui nous est proposée. Les annonces de M. le ministre, qui n’ont rien à voir avec le texte que nous examinons aujourd'hui, ajoutent encore à la confusion.
M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales observait que seuls deux des quatre textes en question étaient disponibles alors que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont encore soumis aux arbitrages. Ce dernier projet de loi ne sera présenté en conseil des ministres, si mes informations sont exactes, que le 13 octobre prochain.
Depuis le rapport de M. Vasselle, la situation a changé. À la suite de la mobilisation contre le texte gouvernemental sur la réforme des retraites, le Président de la République a envisagé d’apporter des modifications. Certes, elles ne changent pas la philosophie du projet de loi, mais elles l’impactent budgétairement. Je pense, notamment, à la prise en considération de la pénibilité dès le seuil de 10 % d’incapacité reconnue. Certains chiffrent le coût de cette mesure à 1 milliard d’euros. Je pense aussi au maintien pendant cinq ans du régime de retraite des fonctionnaires ayant effectué quinze ans de carrière et parents de trois enfants ou encore au dispositif de carrière longue, qui devrait concerner les gens ayant commencé à travailler dès dix-huit ans.
Ainsi, monsieur le rapporteur général, ce sont non pas deux mais trois textes sur quatre dont les conséquences sur l’équilibre budgétaire sont inconnues ! Dire que cet état de fait est « particulièrement regrettable » est un euphémisme. Le Parlement est mis sciemment dans l’incapacité de juger les projets qui lui sont soumis, dans l’incapacité de contrôler l’action du Gouvernement, ce qui est pourtant une de ses missions premières.
Venons-en au fond. Selon l’exposé des motifs, il s’agit d’« apporter cette année une solution durable à la question de la dette sociale ». Comme l’affirmait mon collègue Jacky Le Menn, nous ne pouvons que partager cette ambition.
Le Gouvernement nous propose de transférer le déficit cumulé des années 2009 à 2011 à la CADES. Ainsi, la CADES aurait à amortir une dette de plus de 86 milliards d’euros. Conjointement, sa durée d’existence se trouverait prolongée de quatre années et son terme passerait de 2021 à 2025.
À nos yeux, une telle disposition est inacceptable, d’une part, parce que nous ne pouvons croire que cette mesure n’en appellera pas de similaires dans l’avenir, d’autre part, parce qu’il est inadmissible de continuer à faire peser la dette sur les générations à venir et à en augmenter la charge. Nous considérons que l’échéance de 2021 doit être respectée.
Le Gouvernement présente cette disposition comme une mesure exceptionnelle. Elle serait directement liée à l’impact financier de la crise sur les rentrées fiscales, lesquelles auraient enregistré 50 milliards d’euros de moins-perçu. Si les effets de la crise sur la dette sont indéniables, chacun s’accorde à considérer qu’ils n’en sont pas les seuls facteurs aggravants, contrairement à ce que laissent entendre le Gouvernement et la majorité. Ce n’est pas à une fatalité mais à un bilan que nous devons faire face…
À ce titre, souvenons-nous que pour 2009 le Gouvernement avait prévu une croissance de l’ordre de 1 %, la stabilisation de l’emploi et une augmentation de la masse salariale de 3, 5 %, puis de 2 %. Or, dans les faits, le PIB a reculé de 2, 75 %, notre pays comptant plus de 500 000 chômeurs supplémentaires, alors que la masse salariale a chuté de 1, 25 %.
Comment ne pas évoquer la politique d’exonération fiscale qui plombe mécaniquement les recettes du régime de protection sociale ? Depuis des années, la Cour des comptes sonne le tocsin contre « le maquis des multiples exonérations, abattements, déductions ou réductions » de charges sociales en tous genres, mais rien n’y fait. Elle a beau affirmer que l’efficacité est « trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité », le robinet fiscal continue de fuir et notre protection sociale est mise en péril.
La crise a un impact autant sur les recettes que sur les dépenses. Or, selon le rapport 2010 de la Cour des comptes, au regard d’une activité dite normale, le déficit structurel sur 2009 aurait atteint 5 %, ce qui représente une augmentation de 0, 6 % par rapport à 2008. Ainsi, ce n’est pas, contrairement aux affirmations gouvernementales, la crise qui est responsable au premier chef de la situation déficitaire, mais ce sont bien les politiques menées en matière de recettes et de dépenses.