Intervention de Michel Sapin

Commission des affaires sociales — Réunion du 29 janvier 2013 : 1ère réunion
Création du contrat de génération — Audition de Mm. Michel Sapin ministre du travail de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social et thierry repentin ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Michel Sapin, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - La logique du contrat de génération est la suivante : faciliter l'entrée d'un jeune dans l'entreprise, sans que cela se traduise par le départ d'un senior, et organiser un transfert de compétences. C'est une rupture par rapport aux politiques du passé, qui ciblaient exclusivement l'une de ces deux tranches d'âge, avec les risques d'éviction que cela comportait pour l'autre. Cette fois, un seul instrument vise à la fois à maintenir dans l'emploi les seniors et à faciliter l'entrée des jeunes dans l'entreprise.

Les deux caractéristiques les plus alarmantes du marché du travail français sont à mes yeux le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui atteint désormais 25 % des actifs, un record et un taux d'activité des seniors très inférieur à ce qu'il est dans d'autres pays européens, et cela alors même que l'âge moyen de départ à la retraite recule.

La grande conférence sociale de juillet 2012 a montré qu'une négociation entre partenaires sociaux était nécessaire pour mesurer les conséquences concrètes de la mise en oeuvre de cette belle idée. Un document d'orientation leur a ensuite été envoyé et la négociation a rapidement abouti sur un accord conclu à l'unanimité. C'est cet accord, résultat d'un consensus, que transcrit le projet de loi.

Quelles en sont les grandes lignes ? Tout d'abord, le contrat de génération fait une distinction, entre les grandes entreprises et celles de moins de 300 salariés. On ne saurait traiter de la même manière un atelier d'artisan, où existe une culture ancienne de la transmission des compétences, et une grande entreprise ou une grande banque.

Une obligation de négocier s'imposera aux entreprises de plus de 300 salariés. Nous avons voulu la fusionner, pour éviter les redondances, avec celle sur les plans seniors et sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Une pénalité est prévue en l'absence d'accord ou de plan d'action unilatéral de l'employeur, plafonnée à 1 % de la masse salariale ou 10 % du montant de la réduction de cotisations sociales sur les bas salaires.

Nous avons voulu rendre le dispositif plus dissuasif mais nous sommes confiants quant au succès de ces négociations. Toutes les grandes entreprises s'y sont déjà préparées. Elles auront bien sûr besoin de procéder à des ajustements qui leur sont propres - sur le rythme d'embauche, la capacité de maintien dans l'emploi, la nature des transferts de compétences... Le référent ne sera pas automatiquement le senior du binôme.

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le recours au dispositif donnera lieu au versement d'une aide par l'Etat, par le biais de Pôle emploi. Elle sera de 2 000 euros pour chacun des deux postes, celui du jeune et celui du senior, soit 40 000 euros par an et 12 000 euros sur trois ans. Pour l'embauche d'un jeune au Smic, cela représente 28 % du coût du travail pour l'entreprise. Il y a une contrepartie précise qui est le recrutement en CDI. Car nous voulons peser sur deux indicateurs : le chômage des jeunes et le nombre de jeunes embauchés en CDI, qui figurent parmi les objectifs de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier. Aujourd'hui, moins de 20 % des jeunes sont embauchés en CDI, à la différence de ce qui prévaut dans d'autres pays européens. Il faut, en France, dix ans en moyenne à un jeune avant de décrocher un CDI. Comment, dans ces conditions, acquérir son autonomie, sa place dans l'entreprise, et comment y être pleinement productif ?

Dans les très petites entreprises, le contrat de génération pourra concerner un salarié et le chef d'entreprise, afin de faciliter la transmission des entreprises. Un chef d'entreprise proche de la retraite et qui n'a pas trouvé, dans son entreprise, un salarié en capacité de le remplacer pourra embaucher un jeune et le former afin d'assurer sa succession. Cette faculté peut être très utile dans les zones rurales, pour les entreprises agricoles, artisanales et commerciales mais aussi dans les milieux urbains où le petit tissu économique est fragilisé.

Nous visons un objectif de 500 000 emplois sur cinq ans, soit quelque 100 000 emplois par an. Un million de personnes en auront bénéficié à la fin de la période. La montée en charge sera progressive, le coût estimé pour 2013 étant de 150 à 200 millions d'euros. Cette dépense sera soumise à l'approbation du Parlement dans un prochain projet de loi de finances rectificative. En année pleine, soit à partir de la quatrième année, les 300 000 contrats en cours représenteront une dépense d'un milliard d'euros prise en charge dans le cadre du pacte de compétitivité. Cela ne signifie pas que cette somme sera « prise sur le financement du crédit d'impôt compétitivité-emploi (Cice) », comme j'ai pu l'entendre dire, puisque le pacte dont l'enveloppe budgétaire estimée à 20 milliards d'euros fixe porte bien sur les dispositifs liés à la compétitivité, dont le contrat de génération fait partie au même titre que le Cice.

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