Intervention de Pierre de Lauzun

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 janvier 2013 : 1ère réunion
Séparation et régulation des activités bancaires — Table ronde

Pierre de Lauzun, directeur général délégué de la Fédération bancaire française :

Je vous remercie de nous permettre de nous exprimer à travers cette audition publique. Nous trouvons, quant à nous, normal que le besoin se fasse sentir de réformer les banques, et nous trouvons sain et positif qu'il y ait un débat à ce sujet, d'autant plus qu'il s'agissait d'un engagement du Président de la République.

Cependant, nous pensons que la séparation constitue une réforme qui n'était ni urgente, ni convaincante. Durant la crise, d'ailleurs, les banques françaises ont bien résisté et les problèmes qui ont existé sont liés à des cas atypiques dans le paysage bancaire français et auxquels la séparation des activités n'aurait, du reste, rien changé. Au contraire, nous pensons que leur modèle, par leur diversification, leur contrôle des risques et leur orientation vers le client, était plus apte à faire face aux situations de crise. La résistance des banques françaises se lit en particulier au travers de la croissance du crédit, alors que la logique économique aurait voulu l'inverse.

La quasi-totalité des crises sont des crises du crédit bancaire, auxquelles une séparation n'aurait rien changé. Par exemple, la crise des caisses d'épargne américaines à la fin des années 1980 : c'est une crise du crédit bancaire, qui a coûté beaucoup d'argent aux contribuables américains, alors que le système bancaire était encore soumis au Glass-Steagall Act. De même, Lehman Brothers était une banque d'investissements et respectait, en ce sens, encore, le Glass-Steagall Act. Enfin, la crise irlandaise et la crise espagnole sont des crises du crédit bancaire, crises qui posent question mais auxquelles la séparation n'apporte pas de solution.

Rappelons que sont en cours d'autres réformes applicables au secteur bancaire, en particulier la réglementation prudentielle issue des recommandations de Bâle III. Cette réglementation, nécessaire pour renforcer les fonds propres des banques, a des conséquences qui n'étaient pas anticipées initialement, en particulier l'accélération du financement auprès des marchés du fait de la restriction du crédit bancaire. Dans ce contexte, et au-delà de toute idéologie, il y a un besoin collectif national à être plus présent et plus fort sur les marchés financiers, dans des conditions de sécurité.

Nous comprenons qu'il y ait une demande, exprimée par l'opinion publique, que soit supprimé le petit facteur de risque qui existe dans les activités de marché réalisées par les banques. Dans ce contexte, si une séparation est mise en oeuvre, nous pensons que le critère retenu par le projet de loi, à savoir celui de l'utilité à l'économie et d'une relation avec un client, est le plus opérationnel. Si l'opération est utile à un client dans des conditions de prudence et de sécurité, il n'est pas nécessaire de la filialiser. Sinon, elle doit être réalisée dans une filiale externe ; il est, à cet égard, justifié que soit proposé la filialisation et non l'interdiction de ces activités, à la différence des Etats-Unis qui disposent d'une offre plus large alternative aux banques, permettant le maintien de ces activités sur les marchés malgré leur interdiction aux banques.

Au-delà de la séparation, dont nous n'étions pas demandeurs, d'autres réformes sont nécessaires. Je pense en particulier à la réglementation des marchés financiers, qui est à mon sens davantage prioritaire.

Au total, le critère retenu par le projet de loi est le moins mauvais de ceux qui pouvaient l'être pour la séparation des activités ; mais, de grâce, ne cassons pas notre secteur bancaire, qui constitue un vrai atout pour le financement de l'économie.

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