Intervention de Didier Valet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 janvier 2013 : 1ère réunion
Séparation et régulation des activités bancaires — Table ronde

Didier Valet, directeur de la banque de financement et d'investissement de la Société Générale :

Je ne vais pas revenir sur l'opportunité de cette loi de séparation alors que nous sommes encore en train de mettre en place les contraintes de Bâle III, puisque la réglementation CRD IV devrait être endossée dans les prochaines semaines. Cela a constitué un effort significatif en termes d'adaptation : le capital a été plus que doublé par rapport au niveau qui prévalait avant crise et il a fallu renforcer les liquidités. Les banques françaises avaient, même avec la nouvelle définition, un déficit de liquidité. Les difficultés ont parfois été renforcées par la crise de 2011 avec la sortie des fonds américains, ce qui nous a conduit à réduire de façon significative notre bilan et donc un certain nombre de nos activités.

Cette loi s'inscrit dans un contexte dans lequel les activités de marché des banques françaises vont devenir plus importantes pour le financement de l'économie. L'an dernier, il y a eu plus d'émissions obligataires que de crédits syndiqués, c'est-à-dire que les banques ont moins prêté par le biais de leur bilan et du crédit et ont davantage accompagné leurs clients - les entreprises - sur les marchés financiers. C'est la première fois que ceci se produit et cela illustre le fait que les contraintes de taille de bilan, d'accès à une ressource de liquidité de court terme et de long terme, plus onéreuse car plus rare, font que les banques poussent leurs clients à aller sur les marchés.

En termes de positionnement des banques françaises ou européennes, il est important de garder cette capacité d'être présent sur des activités de tenue de marché pour que, même en situation de tension, on n'assiste pas à une fuite des banques américaines et anglo-saxonnes du marché. Nous devons conserver une capacité d'accompagnement des entreprises françaises ou européennes, mais aussi de l'Etat français.

En effet, lors de la crise, les banques américaines communiquaient sur leur exposition à la dette française, espagnole, etc. L'objectif pour elles était d'en avoir le moins possible dans leur bilan. Seules les banques de la zone euro ont eu la capacité à rester dans cette zone, parce qu'il s'agit de leur propre marché, ce qui a constitué une sorte de coussin amortisseur. Nous devons donc nous assurer que des banques de financement et d'investissement de taille importante, au niveau français ou européen, continuent d'exister et soient capables de concurrencer des acteurs anglo-saxons.

La vraie question, c'est la taille de ce qui pourrait ou ne pourrait pas être dans cette filiale. D'abord, le modèle des banques françaises est le modèle universel. Ainsi, je vais vous donner des chiffres pour la Société générale, mais les ordres de grandeur seraient les mêmes pour BNP Paribas ou Crédit agricole. Un tiers du chiffre d'affaires correspond à notre activité de détail en France, c'est-à-dire le financement des particuliers, des petites et moyennes d'entreprises (PME) et de certaines grandes entreprises. Un deuxième tiers du chiffre d'affaires correspond aux activités de banque de détail à l'international, auquel j'ajoute les activités de crédit-bail et de crédit de consommation aux PME et particuliers. Le dernier tiers se répartit entre la gestion d'actifs, pour 10 %, et les activités dont j'ai la charge, c'est-à-dire les activités de financement et d'investissement, pour 25 %. Au sein de celles-ci, nous trouvons des activités de financement classique - financement structuré, financement d'entreprise - et les activités de marché. Cela signifie que les activités de marché ne représentent qu'un sixième du total de notre chiffre d'affaires en 2011.

Au sein de ces activités de marché, les activités pour compte propre ne représentaient que 4 % à 9 %, soit moins de 2 % du chiffre d'affaires. Il faut remettre ces 2 % en perspective face aux deux-tiers qui correspondent à du financement classique, à travers un réseau d'agences. Avant la crise, l'activité pour compte propre représentait jusqu'à 20 % des activités de marché, contre 4 à 9 % aujourd'hui. Les banques françaises ont donc divisé cette proportion par deux à quatre, car tant le management que la supervision ont prêté une attention plus importante au risque. D'autre part, il y a eu moins de liquidité, et quand une ressource devient rare, on a davantage tendance à la privilégier pour nos clients plutôt que pour des activités qui n'ont pas d'adhérence clients. Je pense que nous avons d'ores et déjà fait beaucoup d'efforts.

Aussi, si l'objectif de la séparation est maintenu, elle va évidemment nous coûter cher, car il faudra créer des structures ad hoc, qui ne pourront pas s'appuyer sur leurs maisons-mères. La loi pourrait avoir comme conséquence positive de prévenir la tentation éventuelle des banques de refaire prendre de l'ampleur à ce type d'activités, compte tenu des contraintes qui pèseront sur elles.

Néanmoins, si l'objectif est de rendre les marchés plus sécurisés, il ne faut pas agir seulement sur les banques : une partie de ces activités se sont échappées dans le fameux shadow banking, sur lequel il y a aujourd'hui le moins de régulation. C'est là qu'il faudra, au moins au niveau européen, établir supervision afin d'éviter des comportements déstabilisants, et in fine assurer le bon fonctionnement des marchés.

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