Intervention de Pierre de Lauzun

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 janvier 2013 : 1ère réunion
Séparation et régulation des activités bancaires — Table ronde

Pierre de Lauzun, directeur général délégué de la Fédération bancaire française :

S'agissant du soutien public aux banques, vous évoquez les 1 600 milliards d'euros, cités dans le rapport Liikanen. Le chiffre est discutable mais la question - comment l'éviter ? -, elle, est indiscutable.

Oui, nous avons besoin d'une réforme en profondeur. Notre propos initial consiste simplement à souligner que la séparation n'est pas le moyen efficace de cette réforme. En revanche, l'aspect prudentiel et la résolution sont beaucoup plus importants.

Certaines personnes, y compris parmi les plus critiques vis-à-vis du projet, considèrent comme absolument normal que la banque de détail bénéficie d'une garantie publique. Pour moi, c'est totalement scandaleux, ce sont des activités privées. Il n'y a aucune raison qu'il y ait une garantie publique. Je ne parle pas de la garantie des dépôts.

Il faut faire en sorte que le système soit organisé pour éviter que les contribuables soient mis en cause. On n'y arrive pas nécessairement, mais il faut essayer de l'éviter. En tout état de cause, la séparation ne change pas grand-chose, car elle est fondée sur l'idée fausse selon laquelle les marchés, intrinsèquement, sont horribles et dangereux. Ce n'est pas vrai qu'en les mettant à part, on pourra progresser. D'ailleurs, on ne touche pas au marché puisque la loi s'applique aux seuls établissements de crédit français et que l'essentiel des marchés sont anglo-saxons.

D'ailleurs, pour rebondir sur la question du rapporteur général, aucune des réformes en cours ou proposées, le projet de loi français, les propositions Vickers, la règle Vocker, le rapport Liikanen, n'aurait permis d'empêcher la crise. Est-ce qu'elles auraient limité l'enfer de la crise ? Très partiellement.

Est-ce que, pour autant, nous devons nous résigner ? Absolument pas. Mais nous devons viser d'autres réformes, à savoir le prudentiel, la résolution et la réforme des marchés. Nous avons été les premiers, à la Fédération bancaire française, fin 2008, à recommander ce que l'on appelle la compensation. Un mot bien mystérieux. Concrètement, il s'agit de réduire l'adhérence mutuelle des établissements. Elle réduit massivement les effets dominos des uns sur les autres. C'est une réforme profonde, en cours de mise en place.

Beaucoup reste à faire, mais la séparation n'est pas majeure. Pour autant, dès lors qu'elle doit être mise en oeuvre, l'approche suivie, à savoir la réponse aux besoins d'un client, est raisonnable. Pour autant, le texte ne s'arrête pas aux seuls clients. Il parle également de la gestion saine et prudente des risques. On croise un critère « client » avec un critère « risque ».

Quand je dis que cela n'aurait rien changé à l'ampleur de la crise, c'est vrai en général. Ceci dit, très probablement, il y aurait eu limitation de certaines activités, notamment pour compte propre. L'impact aurait été moindre pour les banques françaises, qui d'ailleurs sont largement passées au travers de la crise. A ce propos, il faut rappeler que le soutien de l'Etat n'a pas consisté à aider des établissements, mais à se substituer à un marché de la liquidité défaillant, provisoirement et très partiellement. Il en est de même pour le LTRO, auquel les banques françaises ont souscrit à la fois parce que ce n'était pas cher et parce que l'évolution de la réglementation, notamment sur la liquidité, fait que les banques ont de moins de moins intérêt à se prêter entre elles. C'est une évolution qui n'est pas très saine mais qui résulte des décisions prises. En soi, cela ne prouve rien sur l'état de santé des banques.

En un mot, continuons nos efforts, au niveau européen et international, pour trouver des solutions. Mais la séparation n'est pas un remède miracle : elle a une valeur d'accompagnement plutôt secondaire, plutôt qu'une valeur centrale. En revanche, la résolution est très importante. Nous sommes d'accord sur le principe. En cas de difficulté, il faut pouvoir intervenir vite et bien.

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