Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire est que ce projet de loi de modernisation de l’économie commence plutôt fort avec cet article 1er, pur produit d’un libéralisme économique éculé, dont nous avions pourtant cru comprendre qu’il avait fait son temps !
Que recouvre, en effet, la verbeuse définition de la pluriactivité qui nous est décrite au fil des dispositions de cet article ?
Dans un premier temps, une énième déclinaison de la question du pouvoir d’achat… « Faute de grives, on mange des merles », commande la sagesse populaire.
Le fait est que la question du pouvoir d’achat fait débat à l’heure actuelle.
Alors que le haut niveau des loyers dans le secteur privé fait le bonheur des propriétaires fonciers et le malheur des locataires, alors que la bonne santé du CAC 40 dans le courant de l’année 2007 a réjoui les boursicoteurs et autres titulaires de stock-options, au détriment de la hausse des salaires, le Gouvernement fait état depuis plusieurs semaines d’une progression du pouvoir d’achat.
On en vient à se demander où est la vérité, quand le vécu des ménages de salariés et de retraités est plutôt marqué par la hausse des prix, s’agissant notamment des matières premières, des produits alimentaires frais, ainsi que de nombreux services.
Le revenu des ménages, n’en déplaise à certains, est souvent constitué de salaires, de pensions et de retraites, mais aussi de prestations familiales et sociales, ou encore de revenus d’activité non salariée, sans oublier les revenus du capital et de la propriété.
C’est la progression de chacune de ces composantes du revenu qui aboutit à l’augmentation globale tant du revenu moyen que du revenu par unité de consommation, c’est-à-dire par ménage.
Il suffit, en fait, que les revenus de la propriété et du capital connaissent une progression sensible et bénéficient d’une large défiscalisation, grâce par exemple aux donations prévues par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou loi TEPA, pour que le pouvoir d’achat disponible des ménages augmente globalement.
C’est un peu ce qui se passe aujourd’hui : le dynamisme des revenus de cette nature, attesté par le nombre sans cesse croissant de contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune – malgré quelques expatriations emblématiques mises en exergue par certains pour obtenir la suppression de cet impôt pourtant utile –, contribue, pour une large part, à la progression du revenu disponible, davantage en tout cas que des salaires bruts soumis à cotisations sociales et des prestations sociales dont le montant unitaire s’oriente à la baisse à la suite de l’application du gel des barèmes ou des franchises médicales !
Dans ces conditions, que nous proposez-vous et que proposez-vous aux Français ? Vous proposez de développer massivement le recours à la pluriactivité, comme réponse à la médiocrité des rémunérations ou à la modestie des prestations sociales.
Selon la logique qui vous anime, on pourra, demain, être salarié ou chômeur et exercer une activité indépendante accessoire, être caissière de supermarché soumise aux contraintes du temps partiel imposé et vendeuse au porte-à-porte de produits de parfumerie, être retraité du régime général titulaire d’une pension ponctionnée par une décote, faute d’avoir atteint les quarante et une années de cotisation requises, et comptable ou enseignant indépendant, exerçant une activité à temps partiel rémunérée en tant que prestation de services.
Quel bonheur, et quelle société idéale que celle qui est préfigurée par l’article 1er ! Pour vous, l’avenir serait de travailler plus, toujours plus, jusqu’à la fin s’il le faut, et de faire coexister un statut de salarié précaire avec un statut de travailleur indépendant tout aussi précaire et, en fin de compte, assez peu indépendant…
Peut-on construire une vie entière sur deux bouts de précarité ? Nous ne le pensons pas, et nous nous opposerons donc sans équivoque à l’adoption de l’article 1er.