La progression limitée des bases d’imposition n’est pas sans conséquence pour les élus désireux de mener des politiques de développement économique. Une assemblée locale qui mène cette politique travaille, généralement, à améliorer la recette de CVAE des autres collectivités. De plus, les créations d’emplois ne bénéficient pas nécessairement à ses propres administrés.
La réalité montre que les bases d’imposition de la cotisation foncière, mis à part le cas spécifique des petites entreprises soumises à la cotisation minimale, n’ont pas le même dynamisme que les anciennes recettes de taxe professionnelle.
Par ailleurs, le faible produit de la CFE – 6, 6 milliards d’euros en 2012 – augure pour les budgets locaux de difficultés durables. La taxe d’habitation rapporte aujourd’hui 19, 4 milliards d’euros et la taxe foncière sur les propriétés bâties, 27, 3 milliards d’euros. Dès lors, le produit de la CFE est juste un peu plus faible que celui de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et de la redevance d’enlèvement réunies, qui rapportent aujourd’hui 6, 7 milliards d’euros.
Il conviendra sans doute, le moment venu, de regarder à quoi ont conduit les dispositions de la loi de finances rectificative de 2012 sur la cotisation minimale pour mesurer avec encore plus de netteté les limites de la cotisation foncière.
Tout cela ne doit cependant pas nous faire oublier l’essentiel.
La fiscalité locale des entreprises n’est plus un outil permettant de mettre en place une juste péréquation des ressources, alors même que l’on nous abreuve assez régulièrement de déclarations d’intention en faveur de cette péréquation, qui serait à la fois légitime et nécessaire.
La cotisation sur la valeur ajoutée n’a nullement les vertus d’une cotisation péréquatrice, d’autant que l’on constate toujours le même phénomène de concentration de bases d’imposition. Il a même eu tendance à s’accroître, du fait des effets « sièges sociaux ». C’est une situation que l’on peut observer en Île-de-France, comme l’a signalé Jacques Mézard, puisque cette région concentre 33 % des bases de la CVAE, alors qu’elle n’accueillait que 21, 5 % des bases de la taxe professionnelle.
La mise en place des fonds de péréquation régionaux et départementaux, dont le rendement attendu est proche de 25 millions d’euros pour les régions et de 50 millions d’euros pour les départements via un mécanisme de péréquation horizontale, ne corrige cette situation qu’à la marge.
Même si le dispositif est appelé à croître et à embellir dans les années à venir, il ne peut constituer une réponse tout à fait adaptée face à l’inégalité des ressources entre collectivités.
En revanche, s’il est un point sur lequel cette réforme a apporté la réponse attendue par le gouvernement de l’époque, c’est bien celui de la réduction de la prise en charge de la fiscalité par le budget de l’État.
Le taux de prise en charge est passé de plus de 26 % en 2008 et en 2009 à 16, 1 % en 2011.
En outre, on ne peut manquer de souligner ici que la réforme de la fiscalité locale a échoué, concernant les entreprises, au regard de ce qui était annoncé comme sa finalité principale : la création d’emplois.
Alors même que les entreprises ont bénéficié, en 2010, en 2011 et en 2012, des effets immédiats de la disparition de la taxe professionnelle, qui leur permet de disposer de 5 milliards d’euros en régime de croisière, le nombre de personnes privées d’emploi – et encore ne s’agit-il là que des statistiques officielles ! – est passé de 2 660 400 à 3 132 900, soit près de 500 000 chômeurs de plus depuis l’entrée en vigueur pleine et entière de la mesure.
Le rapport remis au Comité des finances locales le 6 novembre dernier admet cette absence d’effet sur l’emploi, mais estime qu’il devrait en aller autrement à moyen terme… Si cette affirmation était étayée par des modifications dans les choix de gestion des entreprises, nous pourrions nous en réjouir, mais ce n’est malheureusement pas le cas.
D’une certaine manière, l’aggravation du déficit public de l’État liée à la nécessité de compenser la réforme s’est donc accompagnée d’un déficit en matière d’emploi, alors même que la population active de notre pays est soumise depuis 2005 à un renouvellement relativement important.
Le dernier effet collatéral de la disparition de la taxe professionnelle est la suppression des fonds écrêtés attribués par les départements aux communes défavorisées.
Tout montre que la position de notre groupe était pleinement fondée. Nous avions, je le rappelle, combattu la réforme de la taxe professionnelle. Il est temps, nous semble-t-il, de concevoir des outils de péréquation performants, adossés à un rendement important, pour remédier à la fois aux inégalités de ressources entre territoires et aux différences de traitement fiscal entre entreprises, tout aussi persistantes.
Dans ce contexte, la proposition, maintes fois formulée par les membres de mon groupe et moi-même, d’élargir l’assiette de la fiscalité économique locale aux actifs financiers trouve sa pleine justification.
La contribution économique territoriale semble bel et bien avoir échoué à relancer l’investissement, à favoriser la création d’emplois et à donner une compétitivité nouvelle à nos entreprises. Il est donc temps de faire d’autres choix.
La financiarisation de l’activité économique, afin d’obtenir le retour sur investissement le plus important et le plus rapide possible, la multiplication des plans sociaux, la poursuite du processus de délocalisation : tout cela fait une bonne fois pour toutes litière du discours, qui nous fut servi pendant trente-trois ans, selon lequel la taxe professionnelle serait un mauvais impôt, au regard tant de l’emploi que de l’investissement.
Nous devons aller vers une réforme réelle de la fiscalité locale, pleinement intégrée à la réforme plus générale de la fiscalité. Cela passe par une taxation des actifs financiers pénalisant la préemption financière dont souffre notre économie. Cette ressource dédiée au financement des collectivités locales serait d’un niveau permettant véritablement d’accompagner les collectivités en fonction de leurs ressources, aujourd'hui insuffisantes, et de leurs besoins. §