Je suis heureux et honoré de pouvoir présenter les travaux du CAS devant votre commission. Je suis accompagné de Mme Delphine Chauffaut, chef du département des questions sociales.
Le CAS a produit quatre notes, qui traitent du bien-être des élèves, de l'autonomie des établissements d'enseignement, de la scolarisation des enfants handicapés et du soutien scolaire.
Ces études thématiques permettent de comprendre comment un système d'enseignement s'insère dans un environnement donné par rapport aux reproches qui sont habituellement adressés au système français :
- le niveau important de jeunes en difficulté, puisque 17 % d'entre eux achèvent leurs études secondaires sans diplôme ;
- la persistance de fortes inégalités entre les élèves en raison de leurs origines sociales, avec des statistiques bien connues. Ainsi, un enfant de cadre obtient plus souvent le baccalauréat qu'un enfant d'ouvrier ;
- l'absence de progrès significatifs, sur une longue période, en termes de diminution des inégalités ou de résultats globaux, notamment sur les difficultés de lecture.
La France se caractérise par un système d'enseignement qui reste performant avec des personnels dont la qualité n'est pas en cause, mais avec certaines particularités : une certaine uniformité qui repose sur la logique d'une éducation nationale uniforme sur le territoire et moins sur l'expérimentation, une compétition assez précoce entre les élèves, une attention privilégiée à la pédagogie par rapport aux autres aspects de la vie scolaire, un taux élevé de redoublement et l'absence de choix net pour la scolarisation de certains publics, comme les enfants porteurs de handicaps.
Mon intervention portera sur les deux thèmes retenus : le bien-être des élèves et l'autonomie des établissements.
La majorité des jeunes se trouve bien à l'école, mais dans un climat très compétitif. Un tiers des élèves français déclare aimer beaucoup l'école et un tiers un peu. Ces chiffres se situent dans la moyenne haute de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ce bien-être tend cependant à se détériorer avec l'âge. Un élève sur deux seulement estime avoir des résultats scolaires bons ou très bons, ce qui est très en dessous de la moyenne. Le système français met les élèves sous pression et tend à diminuer leur confiance en eux. Un tiers des élèves français considère être traité de façon injuste ou préjudiciable, contre un dixième au Danemark ou aux États-Unis. Des difficultés relationnelles entre les élèves se posent. Des enquêtes de victimisation montrent qu'un élève sur dix en France a été victime de harcèlement, ce qui est un taux élevé et une source de préoccupations. Globalement, les élèves français ont une appréciation positive de l'école mais avec une représentation de l'avenir professionnel très conditionnée par le niveau et le domaine d'études.
Sur les expériences à l'étranger mises en avant, je vous renvoie aux notes du CAS.
Quelles en sont les conclusions ? D'abord, il est nécessaire d'agir contre les violences scolaires. Des expériences intéressantes sont menées vis-à-vis des élèves et des enseignants. L'Allemagne prête une attention particulière à la question du cyber-harcèlement.
Sur la question de l'évaluation, certains pays ont choisi de supprimer les évaluations. Ce n'est pas forcément la solution idéale. L'émulation, la mesure des progrès sont en effet importantes. En même temps, un juste milieu est à trouver entre le contrôle sanction et l'absence totale d'évaluation. Par exemple, en Finlande, il est possible de distribuer un contrôle-type en amont, ou de repasser l'examen si l'élève n'est pas satisfait de la note obtenue.
Le développement de la coopération entre les élèves ne participe pas de la tradition dominante dans l'école française. Les travaux coopératifs avec des méthodes qui favorisent l'entraide et apprennent à travailler en groupe apportent beaucoup de bénéfices, car ils permettent l'acquisition de compétences utiles tout au long de la vie, au-delà des connaissances disciplinaires. Cela peut prendre aussi la forme de projets qui tendent à favoriser l'émergence d'une sorte de communauté éducative. Les idées sont nombreuses : projet culturel à l'échelle d'une classe ou d'une école, projet informatique... Ces activités sont considérées comme un peu à part par rapport à la pédagogie habituelle, alors qu'elles peuvent avoir des résultats très positifs. Cela donne une représentation différente de l'école.
Enfin, se pose la question de la réflexion sur le bâti scolaire comme agent d'apprentissage et de bien-être. Toutes les collectivités territoriales disposent de cette compétence et en même temps, chaque collectivité est laissée à elle-même. Il serait sans doute intéressant de mettre à disposition des collectivités une base de ressources de bonnes pratiques en matière d'aménagement des espaces scolaires.
Concernant l'autonomie des établissements, c'est un sujet d'étude à la fois constant et complexe : cela fait des années que l'on s'interroge sur le bon degré d'autonomie. De plus, il est très difficile de comparer utilement des expériences d'autonomie dans des systèmes d'éducation très différents.
Depuis les années 1980, la grande majorité des pays de l'OCDE ont accru le degré d'autonomie de leurs établissements scolaires, à savoir les marges de manoeuvres dont ces derniers disposent en termes de pédagogie, de gestion financière et de ressources humaines. Cette autonomie étendue a généralement pour contrepartie un contrôle plus strict des résultats obtenus par les établissements.
La France est restée relativement en retrait de ce mouvement, les établissements du primaire bénéficiant d'un degré de liberté restreint, seuls les établissements du secondaire ont disposé d'un certain degré d'autonomie grâce à leur accession au statut d'établissements publics locaux d'enseignement. Plus récemment la loi d'orientation de 2005 a permis aux écoles primaires, collèges et lycées de mettre en oeuvre des expérimentations pour une durée maximale de cinq ans. D'autres évolutions ont touché les lycées professionnels, les lycées polyvalents et les établissements dans les zones sensibles.
Un certain nombre de travaux ont cherché à évaluer les effets de l'autonomisation. Les comparaisons internationales suggèrent que l'autonomie bénéficie à la réussite des élèves. L'autonomie qui se révèle la plus utile au plan des résultats est celle relative à la gestion des ressources humaines, beaucoup plus que l'autonomie budgétaire.
Dernier point, pour que l'autonomie ait des effets positifs, il faut en contrepartie un mécanisme qui puisse rendre les établissements comptables de leurs résultats.
Si on regarde plus précisément les expériences menées dans différents pays, au Royaume-Uni, des gains d'efficacité ont été notés au début, aux États-Unis, les charter schools ont apporté des résultats intéressants mais difficiles à évaluer, et en Suède, les écoles indépendantes ont eu des résultats positifs et incitateurs.
La crainte d'une école à deux vitesses et d'un renforcement des inégalités ne s'est pas vérifiée car ces expérimentations étaient bien encadrées dès le départ : cela concernait des écoles gratuites et ouvertes à tous.
Ces expériences sont difficilement transposables à la France. On part d'une situation différente : les établissements ont moins d'autonomie, la marge de manoeuvre est donc plus grande sous trois conditions :
- privilégier l'autonomie en matière de gestion des personnels et d'adaptation locale de l'organisation des enseignements ;
- renforcer les dispositifs d'évaluation des établissements ;
- accompagner cette évaluation d'un système réactif permettant d'épauler les équipes en cas de résultats insuffisants.