Je vous remercie pour votre présentation qui me laisse toutefois avec quelques interrogations. Il me semble que la question des évaluations ne peut pas être posée en présupposant que dans une école où il n'y aurait pas d'évaluation les élèves seraient, de ce seul fait, plus heureux et apprendraient plus aisément. Il me semble qu'il ne faut pas confondre l'évaluation et le classement. Lorsqu'un élève est évalué par rapport à lui-même, par rapport à ses progrès, par rapport aux notions qu'il doit acquérir, alors l'évaluation est utile car elle est positive et permet la progression dans les apprentissages. En revanche, classer un élève par rapport aux autres, c'est le plus sûr moyen de créer chez lui défiance et découragement. Je considère que les inspecteurs de l'éducation nationale devraient porter et accompagner une modification du système actuel de classement des élèves pour développer à sa place une évaluation positive de leurs acquis.
Je remarque d'ailleurs que dans les tests PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) les élèves français sont ceux qui laissent le plus de questions sans réponse par peur de se tromper. C'est la preuve qu'ils ont l'habitude de voir l'erreur plus sanctionnée que n'est récompensée la réussite.
En France, depuis longtemps, nous connaissons des établissements innovants qui rompent avec cette logique. Malheureusement, ils sont toujours considérés par l'éducation nationale comme expérimentaux, voire marginaux. Il suffit de penser aux écoles Freinet. Pourtant, dans ces écoles, l'accent est mis sur des pratiques de groupe où l'élève n'est pas laissé seul mais construit ses réponses en collaborant avec ses pairs. C'est cela même qui lui sera demandé plus tard au cours de sa vie professionnelle.
J'estime également qu'il ne faut pas se contenter d'évaluation des connaissances disciplinaires mais favoriser l'évaluation des savoir être des élèves.
Vous avez également évoqué la question du bâti scolaire. Je suis loin d'être persuadée qu'il existe un modèle idéal répétable partout. Il existe certes quelques principes de base qu'il convient de respecter mais je fais surtout confiance aux territoires et aux équipes pour innover et trouver les solutions les plus adaptées aux situations locales.
Vos conclusions sur l'autonomie des établissements me rappellent des discours que nous avons déjà souvent entendus. Je ne crois pas, pourtant, qu'il faille trouver dans l'autonomie des établissements la panacée aux problèmes du système scolaire. Il suffit de considérer la situation actuelle des universités pour voir que l'autonomie financière est plus source de questions que de solutions. En tout état de cause, pour être viable l'autonomie financière nécessite des compétences spécialisées en termes de gestion dont ne bénéficient pas systématiquement les entités autonomes. En revanche, l'autonomie pédagogique s'impose comme une évidence ; il faut la développer.
Je me rappelle nos déplacements précédents à l'étranger, notamment aux Pays-Bas. Nous y avons bien vu que, lorsque l'autonomie financière et administrative est beaucoup développée, et que l'attribution des moyens est liée aux résultats, les établissements sont soumis à une concurrence acharnée. Inévitablement, les établissements se mettent à sélectionner le plus possible les élèves afin de préserver leurs moyens financiers. On constate in fine l'accroissement des discriminations et une segmentation sociale nette des établissements. Un chef d'établissement nous confiait son malaise devant cette dérive.
Pour conclure, nous ne pouvons nous passer de régulation.