Madame la ministre, ma question porte sur le refus de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, de respecter la jurisprudence permettant d’appliquer de façon cumulative plusieurs conventions bilatérales de sécurité sociale pour le calcul du taux de la retraite de nos compatriotes ayant travaillé dans deux ou plusieurs pays.
Prenons l’exemple d’une personne ayant travaillé deux ans en France, puis vingt ans en Belgique et, pour finir, vingt ans aux États-Unis.
Sur ces quarante-deux années de travail, la CNAV n’en retiendra que vingt-deux : les deux années en France, complétées soit par les vingt années effectuées en Belgique, soit par les vingt années effectuées aux États-Unis.
Voilà donc une personne ayant effectué une carrière complète, qui devrait par conséquent pouvoir bénéficier du taux plein pour le calcul de sa retraite, mais à qui la CNAV n’accorde qu’un taux réduit, et même le taux minimum !
Dans un arrêt de principe du 28 mars 2003, la Cour d’appel de Caen, confirmant la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 22 février 2002, affirme qu’« aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe des deux accords bilatéraux [...] et aucune règle, ni même aucune contrainte d’ordre technique, n’impose en l’espèce qu’un choix entre le bénéfice de l’un ou de l’autre soit effectué par l’assuré susceptible de bénéficier de l’un et de l’autre ».
Madame la ministre, comme ce n’est pas la première fois que je pose cette question, je vous demanderai de nous épargner les pseudo-arguments de la direction de la sécurité sociale sur les champs d’application des conventions bilatérales. Personne ne conteste en effet que les conventions bilatérales ne concernent que les deux parties signataires !
La question n’est pas de savoir si l’on peut inclure un pays tiers dans le champ d’application d’une convention bilatérale, ni même de dire qu’un pays tiers peut être pris en compte dès lors qu’il serait lié par une convention bilatérale avec deux pays, eux-mêmes liés par une convention bilatérale.
La question est de savoir si l’on peut appliquer de façon cumulative des conventions bilatérales ou si l’assuré doit effectuer un choix entre le bénéfice de l’une ou de l’autre.
C’est du moins la question que se pose la CNAV, puisqu’il est évident pour tout le monde qu’à partir du moment où un État n’a pas à demander l’avis de ses précédents partenaires avant de signer une nouvelle convention avec un nouveau partenaire, il n’a pas à demander leur avis pour appliquer la nouvelle convention. Par exemple, si la France signe une convention avec l’Espagne, elle n’a pas à se demander s’il en existe déjà une avec le Portugal.
Les tribunaux ont répondu sans ambiguïté à cette question, confirmant qu’on pouvait cumuler les conventions. La Cour d’appel de Caen a même pris le soin de préciser qu’aucune mesure réglementaire ou technique n’était nécessaire pour appliquer la règle du cumul.
Madame la ministre, l’administration étant soumise au droit et au principe de légalité, elle doit se conformer à l’interprétation normative des tribunaux. Cela permet, vous en conviendrez, de protéger les citoyens contre l’arbitraire. Dès lors, au nom des retraités injustement pénalisés par le non-respect du droit, je vous demande de bien vouloir donner instruction à la CNAV et aux caisses régionales de respecter l’ordre juridique et d’appliquer sans délai la jurisprudence.