Intervention de Philippe Leroy

Réunion du 7 février 2013 à 9h30
Code forestier — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Philippe LeroyPhilippe Leroy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que l’ordre du jour du Sénat nous permette d’aborder aujourd’hui la question de la forêt. Ce n’est pas si fréquent. Mais les travaux des assises de la forêt que vous organiserez bientôt, monsieur le ministre, nous donneront certainement l’occasion de revenir sur ce sujet dans les prochains mois.

Avant d’évoquer les attentes techniques liées à la ratification de l’ordonnance du 26 janvier 2012, je parlerai de la forêt pour exprimer les attentes du Sénat sur la future loi d’avenir de l’agriculture, qui concernera également la forêt.

Avec 25 millions d’hectares de bois et forêt, dont 9 millions d’hectares dans les outre-mer, principalement en Guyane, la France est un grand pays forestier, et nous pouvons en être fiers.

Qu’il me soit permis une parenthèse. La France possède en Guyane, puisqu’il s’agit de forêts domaniales, des forêts tropicales et équatoriales dans un état relativement satisfaisant par rapport à bien d’autres pays du monde : notre pays est presque vertueux… Nous avons donc un rôle mondial à jouer pour la connaissance des forêts des pays chauds.

Quoi qu’il en soit, et pour reprendre le fil de mon discours, la forêt rend d’énormes services.

Elle rend tout d’abord des services économiques, car la forêt est un espace de production de bois. Elle rend ensuite des services environnementaux : la forêt participe au cycle du carbone, aide à lutter contre le réchauffement climatique et abrite une grande biodiversité. Elle joue enfin un rôle social important : je pense aux promenades, aux cueillettes, qui se pratiquent encore, et surtout à la chasse, qui suscite des débats passionnés entre les forestiers et les chasseurs ; la chasse constitue à la fois un loisir et une source non négligeable de revenus.

La forêt française, qui représente un tiers du territoire en métropole, est le legs d’une histoire pluriséculaire et mouvementée. Au Moyen Âge, l’auteur d’un délit forestier pouvait être condamné à mort, preuve que la protection de la forêt nécessite un engagement politique très fort. M. le ministre a évoqué l’édit de Brunoy, qui constitue le premier texte national en matière de protection forestière. Colbert a apporté évidemment sa contribution à cette histoire, avec la fameuse ordonnance royale sur les eaux et forêts. Le premier code forestier moderne date de 1827. C’est encore un monument. L’objectif est resté le même : il s’agit de protéger la forêt, d’éviter la surexploitation et d’assurer un rendement soutenu. Nous nous sommes souciés, nous, les forestiers – je suis très solidaire de cette profession pour l’avoir exercée moi-même –, de la protection des forêts bien avant les écologistes, cher collègue Joël Labbé, qui interviendrez tout à l’heure.

L’administration des eaux et forêts a joué un rôle majeur dans cette politique. C’est une grande administration forestière séculaire. Je lui rends hommage, ainsi qu’aux fonctionnaires brillants qui ont recodifié le code forestier pour parvenir à sa version actuelle. Monsieur le ministre, vous allez bientôt vous charger de faire évoluer la codification. J’espère que la future loi d’avenir de l’agriculture, qui est en préparation, permettra des avancées législatives intéressantes en la matière.

Les forêts publiques sont soumises au régime forestier, sous l’autorité unique de l’Office national des forêts, ou ONF, dont je salue également l’action.

Parler de la forêt, c’est parler aussi de la forêt privée : les deux tiers ou les trois quarts de la forêt française appartiennent à 3, 5 millions de propriétaires privés, ce qui est un chiffre assez effrayant.

Rassurons-nous, la plupart de ces propriétaires possèdent de très petites surfaces ; cela représente trois millions d’hectares très morcelés, le reste étant plus facile à gérer.

Nous pouvons être fiers de notre forêt, mais nous savons aussi qu’elle peut trouver un nouveau dynamisme – il y a accord unanime sur ce point –, comme l’a d'ailleurs souligné le Conseil économique et social et environnemental dans un récent rapport.

La forêt française, en dehors de ces progrès à venir, est néanmoins riche d’emplois. La filière bois est pourvoyeuse d’environ 400 000 à 500 000 emplois, selon les branches que l’on intègre, et ce chiffre est stable. La forêt n’a pas détruit d’emplois. Les emplois ont évolué, mais la forêt française reste un employeur très important, qui pourrait encore embaucher.

Des emplois pourraient être créés à partir des 20 millions de mètres cubes supplémentaires qu’on pourrait produire au cours des années qui viennent, sachant que cette exploitation supplémentaire ne nuirait en rien à la qualité des forêts, au contraire ; cela permettrait de les moderniser ces dernières en les adaptant aux changements climatiques.

Ces récoltes supplémentaires pourraient aussi contribuer au redressement de la balance commerciale bois – c’est une question que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et dont il faudra débattre –, dont le déficit est de plus de 6 milliards d'euros par an.

Pour ce faire, il faudra mieux valoriser nos bois feuillus, qui représentent une part très importante de la récolte française, afin qu’ils puissent se substituer aux bois résineux, que nous devons importer. Nous sommes en effet déficitaires en bois résineux dans la mesure où la forêt française produit essentiellement du bois feuillu.

Des progrès sont possibles, et le projet de loi d’avenir de l’agriculture que vous nous présenterez prochainement, monsieur le ministre, devrait nous permettre d’engager une nouvelle stratégie de relance de la filière bois.

Je souligne au passage que la forêt française coûte peu aux finances publiques. C’est un point sur lequel j’insiste toujours pour convaincre non seulement l’ensemble de mes collègues – je crois cependant qu’ils en sont maintenant persuadés

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