Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui, bien que très technique, a le mérite de nous permettre d’aborder un sujet de grande importance, celui de la forêt. Le ministre comme le rapporteur ont déjà largement évoqué ce sujet.
Ce projet de loi ratifiant l’ordonnance du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier et harmonisant les dispositions de procédure pénale applicables aux infractions forestières a pour objet de mettre ledit code en conformité avec les nombreuses modifications apportées par près d’une dizaine de lois successives depuis 1979, en particulier par la loi d’orientation forestière de 2001 qui en avait profondément modifié l’architecture.
Cette recodification vise à rendre plus lisible le code forestier, sans l’altérer sur le fond, et doit constituer une amélioration du droit forestier pour ses praticiens. S’y ajoute, en effet, l’harmonisation avec le code forestier des dispositions du code de procédure pénale relatives aux fonctionnaires et agents habilités à contrôler et à rechercher les infractions forestières et aux règles qui leur sont applicables.
Cet effort de clarification n’a visiblement pas fait l’objet de critique – au contraire – de la part des parties prenantes.
Les recodifications qui sont proposées, notamment le classement des dispositions par droit de propriété, clarifient la lecture et pérennisent bien le régime forestier et ses spécificités applicables aux forêts publiques.
Les parlementaires que nous sommes apprécient habituellement assez peu les habilitations – vous le savez, monsieur le ministre, et M. Leroy l’a rappelé – qui permettent au Gouvernement de procéder par voie d’ordonnance dans des domaines qui relèvent de la loi ; mais nous convenons que cette procédure se justifiait ici pleinement par la grande technicité de l’exercice, qui se prête moins bien à la discussion parlementaire.
Je tiens à rappeler l’esprit de consensus qui règne de ce fait sur ce projet de loi, présenté par Bruno Le Maire et inscrit à l’ordre du jour par vous-même, monsieur le ministre, et la nouvelle majorité présidentielle.
Par ailleurs, les commentaires du nouveau gouvernement ont été pris en compte par M. le rapporteur et ont abouti à des amendements adoptés à l’unanimité en commission des affaires économiques.
Je citerai en particulier une clarification sur le caractère inaliénable du domaine forestier de l’État, un principe qu’il est toujours bon de rappeler, ainsi que quelques innovations que je souhaite mettre en évidence car elles visent à régler des problèmes pratiques immédiats qui se posent au secteur de la forêt et du bois.
La première innovation tient au transfert à la collectivité territoriale de Corse de l’intégralité de la compétence de reproduction de plants forestiers, les pins laricio, transfert qui n’avait pas été effectué lors de la loi de 2002 sur la Corse. La conséquence concrète sera de confier la gestion de la pépinière d’Ajaccio-Castellucio, qui emploie cinq agents, non plus à l’État mais à la Corse. Voilà un transfert de plus ! Cette disposition avait été votée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 mais censurée par le Conseil constitutionnel, pour une question de procédure et non de fond.
La seconde innovation est plus substantielle car elle concerne les délais de paiement dans la filière bois pour les ventes de bois en bloc et sur pied, point sur lequel nous étions très sollicités.
Nous avons ajouté en commission un nouvel article qui représente une réelle avancée pour la profession : ledit article a pour objet de mettre en place un régime spécifique permettant d’adapter les délais de paiement de marchandises au cas très particulier des ventes de bois en bloc et sur pied. Pour celles-ci, je le rappelle, le produit de la vente est extrait progressivement des parcelles, ce qui justifie un échelonnement des paiements que ne permet pas le droit actuel.
La LME prévoyait une possibilité de dérogation temporaire au plafond de délai de paiement via des accords interprofessionnels pour des raisons objectives et spécifiques au secteur. Cette dérogation s’est appliquée à la suite d’un accord interprofessionnel, mais elle a pris fin en janvier 2012, d’où la nécessité et l’urgence de prévoir cet amendement au code forestier.
Cette initiative du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt permet de faire émerger une solution consensuelle tant pour les professionnels que pour l’administration, sans remettre en cause les principes généraux régissant les relations entre acteurs économiques. Le rapporteur a pu l’évaluer au cours de ses différentes auditions et vérifier qu’un large consensus s’était établi sur le sujet.
La commission des affaires économiques a adopté le texte à l’unanimité.
De nouvelles précisions sont apportées dans l’amendement qui sera proposé lors de la discussion des articles sur la notion de vente en bloc, ainsi que sur les conditions d’exploitation qui sont définies par contrat. Cette nouvelle rédaction nous convient.
Nous soutenons le texte ainsi rédigé et nous le voterons.
Ce projet de loi a également été l’occasion pour les membres de la commission des affaires économiques d’avoir un débat animé et de rappeler unanimement l’importance de la forêt ainsi que la nécessité de développer une politique « forêt-bois » ambitieuse répondant aux attentes fortes des professionnels de la forêt et de la filière bois. Je souhaiterais évoquer rapidement ce point.
Un rapport du Conseil économique, social et environnemental, publié en octobre 2012 et intitulé La valorisation de la forêt française, a rappelé la place de la forêt dans l’espace français, mais aussi son poids économique, avec près de 430 000 emplois, essentiellement en zones rurales, et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires, ce qui est loin d’être négligeable.
Le bois-énergie représente 65 % des 6, 6 % d’énergies renouvelables produits en France ; il provient essentiellement de la valorisation des sous-produits de la filière bois et est en plein essor, notamment dans ma région.
Dans le même temps, le rapport a fait le constat, que nous connaissons bien, de l’insuffisante organisation de la filière bois, qui repose sur des petites entreprises souvent fragiles, et des difficultés de mobilisation de la ressource bois dans notre pays.
Nous vivons en effet un paradoxe : alors que notre pays est l’un des mieux pourvus d’Europe en matière de ressources forestières, notre balance commerciale souffre d’un déficit record dans ce secteur. Nous exportons des bois bruts, de faible valeur, et importons des bois travaillés, transformés, incorporant une grande valeur ajoutée.
Les précédents gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n’ont pas pris la juste mesure de l’avenir de la filière bois et de ce potentiel économique. Vous proposez, monsieur le ministre, d’y remédier dans la future loi d’avenir, en cohérence avec la communication sur les nouvelles orientations forestières que la Commission européenne doit présenter au Conseil en mai prochain. Une loi consacrée entièrement à la forêt – il y aurait de quoi faire ! – permettrait d’adresser un signal très positif aux professionnels du bois et de la forêt. Mais l’agenda est peut-être déjà très chargé…
On a trop coutume de résumer la forêt aux 30 % de superficie du territoire qu’elle occupe ; il faut aussi la considérer en hauteur, en volume et dans ses différentes valeurs d’exploitations, qui imposent certains choix de court et de long terme.
Outre son potentiel économique, elle contribue activement à la préservation des équilibres écologiques, des écosystèmes et de la biodiversité puisqu’elle stocke le carbone, purifie l’eau, enrichit les sols et offre des habitats propices à la flore et à la faune, et même aux loups !
Par ailleurs, elle génère une grande diversité d’activités notamment touristiques, cynégétiques, sportives et scientifiques ; elle produit également, outre du bois et des champignons, des baies et des lichens utilisés en pharmacologie.
La diversité de ses fonctions fait de la forêt un atout considérable pour notre pays.
Je reprendrai ici un exemple que j’ai déjà cité devant la commission des affaires économiques : certaines villes comme Munich investissent désormais dans des systèmes d’épuration de leurs eaux usées par la forêt. Peut-être serions-nous bien inspirés de suivre leur exemple, au lieu de construire d’énormes stations d’épuration, qui sont souvent extrêmement coûteuses et dont le fonctionnement peut être aléatoire.
Les aménités offertes par la forêt méritent que nous luttions pour mettre en place une politique forestière volontariste, dotée de moyens financiers suffisants. Une fraction du produit de la mise aux enchères des crédits carbone pourrait par exemple, comme nous l’avions déjà voté à l’unanimité au Sénat, être affectée à la replantation de la forêt, puisque cette dernière est précisément un réservoir de stockage du carbone et que le reboisement notoirement insuffisant depuis une dizaine d’années est la condition sine qua non du développement durable. Les membres du groupe d’études forêt et filière bois du Sénat se rendront en Haute-Corrèze, où subsistent des parcelles dévastées par la tempête de 1999, restées en friche, ou en vrac selon l’expression consacrée, qui ne seront pas replantées.
Le financement est un réel problème : la France consacre peu d’argent public – M. le rapporteur a estimé ce chiffre à 350 millions d’euros – à sa forêt et à sa filière bois, alors qu’un nouveau fonds forestier national et des investissements massifs dans les industries d’aval actuellement fragilisées seraient nécessaires.
Ma région, le Limousin, et mon département, la Corrèze, disposent d’un fort potentiel forestier qui s’est beaucoup développé depuis l’entre-deux-guerres et qui est aujourd'hui parvenu à maturité.
Le plan pluriannuel régional de développement forestier du Limousin a été mis en place pour la mobilisation des bois ; il doit également permettre de répondre aux conflits d’usage entre le bois-énergie et le bois-construction.
Je sais, monsieur le ministre, votre intérêt pour la forêt ; vous avez d’ailleurs lancé différentes initiatives dont nous nous félicitons : je pense notamment aux rencontres régionales pour l’avenir de l’agroalimentaire et du bois.
Le Premier Ministre a aussi confié en décembre dernier une mission de six mois sur la forêt française et la filière bois au député Jean-Yves Caullet, qui devrait être un élément important de la future loi d’avenir. Vous avez installé une mission pour la création d’un fonds bois carbone et d’un comité national filière qui devrait achever ses travaux en prévision de cette future loi.
Nous apprécions votre engagement, et c’est avec détermination et énergie que nous soutiendrons ce projet de loi et la future loi d’avenir de l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt ! §