Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 7 février 2013 à 15h00
Délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Najat Vallaud-Belkacem :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ouverte le 6 mai dernier, la perspective de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et de la reconnaissance des familles homoparentales a de toute évidence réveillé dans notre pays les réflexes de rejet, de violence, de haine qui sommeillaient encore ici et là à l’égard des homosexuels.

C’est au moment où notre pays s’apprête enfin à accorder les mêmes droits à chacun, homosexuel ou hétérosexuel, au moment où notre République s’apprête enfin à reconnaître la même valeur à chacun, sans distinction fondée sur l’orientation sexuelle, que les manifestations de l’homophobie se multiplient.

L’association SOS homophobie en témoigne : au mois de janvier dernier, elle a reçu quatre fois plus de témoignages de victimes qu’au mois de janvier 2012.

Depuis la loi du 30 décembre 2004, les peines encourues par ceux qui se rendent coupables d’injure, de diffamation, de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence sont aggravées lorsque le délit a été commis à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, réel ou supposé, de la victime.

La République combat ainsi le sexisme, l’homophobie, la « handiphobie », au même titre que le racisme ou l’antisémitisme ou toute haine visant un individu en raison de son identité.

Sur votre initiative, mesdames, messieurs les sénateurs, la liste des pratiques répréhensibles a été complétée au cours de la discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. En effet, depuis l’adoption de la loi du 6 août 2012, la transphobie est également condamnée.

Une anomalie subsiste cependant, anomalie que la proposition de loi dont nous allons débattre vise à corriger.

Alors que les sanctions prononcées à l’encontre des auteurs de propos et d’écrits publics à caractère discriminatoire, quel qu’en soit le motif, sont les mêmes, les délais de prescription applicables sont, eux, différents.

La justice oublie les insultes sexistes, homophobes, transphobes, « handiphobes » en trois mois seulement, alors qu’elle met un an à oublier les insultes xénophobes, racistes, ou encore fondées sur la religion.

Il n’y a pas lieu de discriminer entre les discriminations : tel est le sens de la présente proposition de loi.

Il n’y a pas lieu d’établir une hiérarchie du pire entre les propos haineux, en fonction de la composante de la population qui en est la cible.

La proposition de loi que nous examinons a donc pour objet d’appliquer la prescription d’un an de l’action publique instituée par la loi du 9 mars 2004 à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel qu’en soit le motif.

Au mois de mai 2003, le garde des sceaux de l’époque, Dominique Perben, avait justifié l’allongement du délai de prescription relatif aux injures racistes en indiquant que le délai de trois mois applicable aux délits de presse était devenu trop court dans un contexte de multiplication et d’accélération des publications.

Le constat reste pertinent, que les propos soient racistes ou homophobes.

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