C’est ce qui justifie la proposition de loi dont vous allez débattre, mesdames, messieurs les sénateurs.
Cette proposition de loi a déjà connu une première vie, puisqu’elle avait été déposée en octobre 2011 à l’Assemblée nationale par l’opposition d’alors. Son adoption, le 22 novembre 2011, avait fait l’objet d’un consensus, et le Défenseur des droits s’était lui aussi prononcé en faveur de l’alignement des délais de prescription. Tout cela nous montre qu’il ne s’agit pas que d’un symbole ; à plusieurs reprises, les associations de lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie ou la handiphobie se sont heurtées, dans leurs démarches, à la brièveté du délai de prescription.
Or les propos incriminés sont loin d’être anecdotiques. Ils constituent une violence, ils font des victimes, qu’ils soient proférés en public, dans la presse ou sur Internet. Il ne faut jamais sous-estimer l’impact de ces propos, en particulier sur les plus jeunes d’entre nous. Le risque suicidaire chez les jeunes homosexuels justifie absolument notre vigilance. Au-delà de ces jeunes, je pense souvent, à titre personnel, aux parents qui élèvent aujourd’hui un enfant homosexuel et qui sont terrorisés – j’en ai reçu plusieurs témoignages – lorsqu’ils découvrent des appels au meurtre de leur fils ou au viol de leur fille. Je pense aussi aux familles homoparentales, qui sont angoissées à l’idée que leur enfant soit un jour confronté à la violence de propos qui ne font, ni plus ni moins, que nier leur humanité ou leur existence. Nous sommes ici pour réparer ces blessures.
La loi de 1881 est une grande loi de notre République. Nous y sommes attachés parce qu’elle est gardienne d’un équilibre très précieux. La liberté d’expression est un principe de valeur constitutionnelle, dont découle celui de la liberté de la presse. Le Gouvernement tient à ces principes, mais il est également attaché à la lutte contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Le 31 octobre dernier, nous avons présenté en conseil des ministres un plan d’action assez complet en la matière.
Au moment où chaque département ministériel agit sans faille contre l’homophobie et la transphobie, la proposition de loi que vous présentez, madame la rapporteur, vient corriger une anomalie de notre droit. J’invite le Sénat à l’adopter, car nous n’avons que trop tardé sur le chemin de l’égalité. §