Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la lutte contre la discrimination a été une longue et dure bataille. Les avancées en la matière ont été difficiles et sont extrêmement récentes. Sans aucun doute, il restera d’autres progrès à réaliser dans les années futures.
La pénalisation des propos discriminatoires, des injures et des diffamations fondées sur l’origine, l’appartenance ethnique, raciale ou religieuse remonte ainsi à 1972 : quarante ans seulement ! Pour un texte de loi, c’est très peu ; en revanche, à l’aune de la vie humaine, c’est beaucoup !
Quant aux propos discriminatoires fondés sur le sexe, l’orientation sexuelle ou le handicap, leur pénalisation a été extrêmement tardive, puisqu’elle date de 2004 à peine. Plusieurs initiatives législatives ayant d’abord été successivement rejetées, ces infractions sont donc sanctionnées par la loi depuis moins de dix ans.
En plus d’être tardives, la lutte contre la discrimination et la sanction des propos discriminatoires n’ont pas placé d’emblée toutes les discriminations sur un même plan, créant ainsi une discrimination au sein même de la lutte contre la discrimination, comme vous l’avez souligné à juste titre, madame la ministre.
Plus grave encore, la loi continue aujourd’hui d’établir une différence de traitement injustifiable entre les deux types de discrimination se trouvant au cœur de la loi sur la liberté de la presse. Cela est surprenant et tout à fait injuste !
Il faut tout d’abord rappeler que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit des délais de prescription dérogatoires au régime de droit commun concernant les propos discriminatoires. Il s’agit en effet de préserver deux principes, dont aucun ne saurait primer sur l’autre : celui de la liberté d’expression, d’une part ; celui de la nécessaire répression des propos discriminatoires, d’autre part.
Pour le régime des crimes et délits de discrimination commis par voie de presse à l’encontre d’une personne, le délai de prescription initialement prévu était de trois mois, alors que dans le régime de droit commun il est de trois à cinq ans. La loi du 9 mars 2004, dite « Perben II », a remis en cause ce délai de trois mois, dont la brièveté s’est trouvée renforcée par l’émergence des médias numériques. Ce délai ne permettait plus aux victimes d’exercer effectivement un recours, ce qui équivalait quasiment à une impunité…