Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 7 février 2013 à 15h00
Délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la loi sur la liberté de la presse, dès l’origine, en 1881, faisait de la diffamation raciste un délit pénal. Ce dispositif a été élargi, en 1972, par le biais de l’incrimination des propos discriminatoires, injurieux ou incitant à la haine, fondés sur l’origine, l’appartenance ethnique, nationale, raciale ou religieuse. Pourtant, la tenue de tels propos à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap n’a été qualifiée de délit qu’en 2004.

Toutefois, les délais de prescription des délits de cette nature n’étaient pas harmonisés. Il subsistait une différence en matière de délai pour engager l’action pénale : ce délai était fixé à trois mois pour les personnes victimes de propos discriminatoires à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap, et à un an pour celles ayant été l’objet de propos à caractère raciste ou xénophobe.

Cette différence de traitement a conduit à la transmission au Conseil constitutionnel, par la Cour de cassation, d’une question prioritaire de constitutionnalité pour atteinte au principe d’égalité des délits et des peines.

En adoptant aujourd’hui cette proposition de loi, nous mettrons fin, si j’ose dire, à une discrimination dans la lutte contre les discriminations. Nous harmoniserons les délais de prescription, en tenant compte des évolutions techniques : le passage d’une presse écrite, dont l’impact est immédiat et éphémère, à une publication sur Internet, qui est quasiment indélébile et peut continuer longtemps à se propager.

La prescription des délits commis par voie de presse repose sur un régime dérogatoire ayant pour finalité de protéger la liberté de la presse. C’est la raison pour laquelle des délais de prescription très courts, bien plus courts que pour les autres délits, furent fixés en 1881.

Mais, à l’époque, à moins qu’il ne soit réédité par son auteur, le délit était – excusez la trivialité du mot ! – « consommé » en quelques jours. Avec les publications électroniques, le délit se répète automatiquement et en permanence. Il peut être constaté et se propager longtemps après avoir été commis.

Cette situation a motivé la démarche, engagée en 2004, d’allongement des délais de prescription. Toutefois, rien ne justifiait qu’elle ne concerne que certains types de propos discriminatoires ou incitant à la haine ; tel fut pourtant le cas.

Notre commission des lois en a convenu : trois mois est un délai de prescription trop court pour une infraction commise sur Internet. Ce qui vaut pour les propos racistes et antisémites aurait dû aussi, bien évidemment, valoir pour les propos sexistes, homophobes et handiphobes.

Or, c’est d’abord sur Internet que l’on trouve ce type de propos, car la presse professionnelle a une déontologie et des habitudes qui permettent de limiter sérieusement, pour ne pas dire totalement, les éventuelles dérives.

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