Intervention de Michèle André

Réunion du 7 février 2013 à 15h00
Conventions fiscales avec les pays-bas et le sultanat d'oman — Adoption définitive de deux projets de loi dans le texte de la commission

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accord entre la France et les Pays-Bas pour ce qui est d'Aruba, signé le 14 novembre 2011, et l'avenant à la convention entre la France et Oman, signé le 8 avril 2012, ont tous deux pour objet de renforcer la transparence fiscale au niveau international en instituant un dispositif d'échange de renseignements conforme aux standards développés par l'OCDE.

S'agissant d'Aruba, cette île est l'une des quatre composantes du Royaume des Pays-Bas. Située, comme chacun le sait, dans la mer des Caraïbes en face des côtes vénézuéliennes, elle est peuplée d'environ 100 000 habitants. Son économie, relativement prospère – le produit intérieur brut par habitant est de 24 000 dollars –, repose principalement sur le tourisme et le raffinage pétrolier. Le poids du secteur financier y est, quant à lui, assez limité. Les échanges commerciaux entre la France et Aruba s'élèvent à 20 millions d'euros et sont légèrement déficitaires pour notre pays.

Mes chers collègues, vous aurez tout compris quand vous saurez que, au total, vingt et un Français sont inscrits auprès du consul honoraire de cet espace des Pays-Bas et qu’aucune entreprise française n’est implantée sur ce territoire…

Si les relations commerciales entre la France et Aruba sont modestes, cet accord d'échange de renseignements ne s’en inscrit pas moins dans la stratégie française de promotion de la transparence et de la coopération en matière fiscale. L'accord-cadre élaboré par l'OCDE en 2002, dont s'inspire le présent accord, constitue un support habituel pour favoriser l'échange de renseignements en matière fiscale.

À l'occasion du G20 de Londres d’avril 2009, l'OCDE, cherchant à promouvoir la coopération fiscale, a établi une « liste grise ». Cette liste, sur laquelle figurait Aruba, recense les pays qui, bien que s'étant engagés à respecter la norme fiscale internationale, ne l'avaient pas encore réellement mise en œuvre à cette date. Aussi la France a-t-elle proposé aux pays ainsi identifiés de signer un accord d'échange de renseignements du type de celui qu’avait élaboré l'OCDE.

Dès 2001, Aruba s'est engagé sur la voie de la coopération en matière fiscale. Ainsi, dans son droit interne, des garanties supplémentaires ont été apportées en termes de transparence et, à partir de 2009, Aruba a développé son réseau conventionnel. Pour avoir signé plus de douze accords d'échange de renseignements, l'île d'Aruba a été retirée de la « liste grise » de l'OCDE dès le 10 septembre 2009.

À la fin de 2010, le Forum mondial sur la transparence fiscale a jugé le système juridique d'Aruba globalement satisfaisant. Je vous rappelle que les trois critères retenus en la matière sont la disponibilité des informations, l'accès aux renseignements et l'effectivité des échanges. Dans les trois cas, le Forum mondial a certes identifié des faiblesses, mais pas de nature à remettre en cause la capacité normative d'Aruba.

La seconde phase d'évaluation par le Forum mondial, prévue au premier semestre de 2014, permettra d'apprécier concrètement l'état d'avancement de la coopération, sans se cantonner au cadre juridique en vigueur.

La rédaction de l'accord qui nous est soumis est donc adaptée à la capacité normative d'Aruba et conforme à l'accord-cadre de l'OCDE relatif à l'échange de renseignements en matière fiscal défini en 2002. En effet, l'accord reprend les dispositions du modèle de l'OCDE et y intègre même certains des commentaires qui y figurent. De plus, certaines dispositions de l'accord vont au-delà des dispositions du modèle. Ainsi, il est prévu que les deux pays peuvent échanger spontanément des renseignements. Bien que cette possibilité soit évoquée dans le commentaire du modèle, il s'agit là d'un élargissement important de la coopération par rapport au modèle de l'OCDE.

Concernant le Sultanat d'Oman, une convention fiscale visant à éviter les doubles impositions avait déjà été conclue en 1989. Le présent avenant a pour objet d'insérer une clause d'échange de renseignements en matière fiscale. Il modifie également les stipulations concernant le régime de taxation des redevances.

Le Sultanat d'Oman est situé au sud de la péninsule arabique, entre le Yémen, l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis ; il compte près de 3 millions d'habitants. L'économie du pays repose principalement sur l'exploitation des hydrocarbures.

La présence française en Oman est modeste : environ quarante entreprises françaises y ont développé leurs activités et sept cent soixante-deux de nos compatriotes étaient officiellement inscrits sur les listes consulaires en 2012.

Il convient de préciser que, contrairement au Royaume des Pays-Bas et à l'île d'Aruba, le Sultanat d'Oman n'est pas membre du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE. Cela signifie que son cadre normatif n'a pas fait l'objet d'un examen par les pairs au regard des critères d'effectivité de l'échange de renseignements développés par l'OCDE. Cette absence d'évaluation spécifique à l'aune de ces critères devra nous conduire, comme avec les autres conventions fiscales, à être particulièrement attentifs quant à sa mise en œuvre.

À ce titre, soulignons que, dans l’hypothèse où l'accord ne permettrait pas aux autorités françaises d'obtenir les informations demandées, l'article 238-0 A du code général des impôts prévoit la possibilité de réintégrer Oman sur la liste des États et territoires non coopératifs. La modification de la convention constitue néanmoins un préalable nécessaire pour renforcer la transparence fiscale entre nos deux pays.

Je tiens à mentionner deux arguments qui plaident tout particulièrement en faveur de la ratification de cet accord.

Tout d'abord, les stipulations relatives au mécanisme d'échange de renseignements sont, comme dans le cas d'Aruba, conformes à celles du dernier modèle de convention fiscale de l'OCDE. La rédaction de la clause d'échange de renseignements est même plus stricte que le modèle de l'OCDE, car elle précise explicitement que chaque État devra « prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre à son homologue ». L'ajout de ce paragraphe, à la demande de la France, doit garantir la mise en œuvre effective de la coopération fiscale.

Ensuite, la modification du régime de taxation des redevances introduite par l'avenant ne réduit en rien le degré de transparence fiscale entre les deux pays. L'instauration d'une retenue à la source de 7 % sur les redevances – c'est-à-dire des rémunérations payées pour l'usage ou la concession d'un droit d'auteur, d'un brevet, d'une marque ou d'un savoir-faire – correspond au souhait du gouvernement d'Oman de taxer les versements des entreprises omanaises à des entreprises étrangères. À défaut, ce type de flux échapperait largement aux autorités fiscales omanaises en raison du faible nombre d'entreprises étrangères sur place. Actuellement, cette possibilité de retenue à la source sur les redevances demeure fictive puisqu'aucun flux correspondant à la définition de redevances inscrites dans l'avenant n'a été recensé à ce jour.

Par ailleurs, Oman ne dispose pas d'un centre financier d'envergure. Le secteur bancaire, de dimension modeste, est soumis à une régulation continuellement renforcée par la Banque centrale depuis ces dix dernières années. Même si le pays dispose d'un système fiscal attractif avec la non-imposition des particuliers sur leur revenu et un taux d'imposition sur les sociétés fixé à 12 %, il n'a pas été identifié comme une juridiction à risque par le Forum mondial sur la transparence. De plus, le gouvernement d'Oman lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme au niveau international dans le cadre du groupe d'action financière.

Ces deux accords étant conformes aux standards internationaux en matière d'échange de renseignements, leur ratification apparaît nécessaire pour renforcer le réseau conventionnel français et garantir une plus grande transparence fiscale. Mais, naturellement, il faudra rester attentif à la mise en œuvre effective des mécanismes de coopération.

En conclusion, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les deux projets de loi qui sont soumis à notre examen.

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