Intervention de Yvon Collin

Réunion du 7 février 2013 à 15h00
Conventions fiscales avec les pays-bas et le sultanat d'oman — Adoption définitive de deux projets de loi dans le texte de la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, chère Michèle André, mes chers collègues, depuis le G20 de Londres de 2009, qui a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité mondiale, les conclusions de conventions fiscales suivant le modèle établi par l’OCDE se sont multipliées de façon exponentielle. Pourtant, il est très difficile d’affirmer que la transparence fiscale a été significativement renforcée ces dernières années. Les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales ont bien montré que beaucoup reste à faire en la matière.

Il y a quelques semaines, le syndicat Solidaires Finances publiques a publié un rapport chiffrant entre 60 milliards et 80 milliards d’euros les pertes pour l’État français pouvant être associées à la seule fraude fiscale. La Commission européenne avait quant à elle évalué ce montant entre 30 milliards et 40 milliards d’euros, et ce voilà quelques années déjà. Établir ce chiffre avec certitude est bien évidemment impossible, mais il n’en reste pas moins que cela représente de toute évidence des sommes non négligeables, vous en conviendrez, monsieur le ministre, pour le budget de l’État.

Les travaux récemment conduits par la Haute Assemblée dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Philippe Marini pour une fiscalité numérique neutre et équitable ont également remis ces questions sur le devant de la scène, avec le rappel des montages utilisés par certaines sociétés pour réduire le montant de leur impôt.

Lorsque j’ai auditionné, au nom de la commission des finances, les deux rapporteurs de la mission d’expertise sur la fiscalité du numérique, demandée par le Gouvernement, ces derniers ont souligné l’impérieuse nécessité de faire évoluer la notion d’« établissement stable » au niveau international, compte tenu de l’inadaptation flagrante de celle-ci à l’économie numérique. Le numérique sera pourtant au centre de la création de richesses pour les prochaines décennies, nous en sommes tous d’accord. Or si nous nous montrons incapables d’adapter notre système fiscal, cela reviendra non seulement à vider les caisses de l’État, mais aussi à créer une forte iniquité entre les contribuables.

Preuve que beaucoup reste à faire pour renforcer la transparence et la justice fiscales, ainsi que pour lutter contre des pratiques dites gentiment d’« optimisation fiscale », certes légales, mais qui n’en sont pas moins inacceptables. L’OCDE a lancé le projet BEPS – en français : « érosion des bases d’imposition et transfert des bénéfices » –, qui, espérons-le, aboutira à des propositions ambitieuses permettant des avancées rapides au niveau international.

J’en viens maintenant plus directement aux deux textes que l’on nous demande d’approuver aujourd’hui.

Je me réjouis tout d'abord, madame la rapporteur, que l’avenant à la convention avec le Sultanat d’Oman tout comme l’accord fiscal concernant Aruba aillent plus loin que le modèle de l’OCDE, en renforçant notamment les exigences relatives à l’effectivité de l’échange de renseignements ; c’est important.

Aruba disposait d’un réseau conventionnel en matière d’échange de renseignements à peu près inexistant en 2009 lorsqu’il a été placé sur la « liste grise » de l’OCDE. Depuis lors, nous en convenons, il a rattrapé son retard à vitesse grand V, en concluant des accords avec de nombreux pays, dont le nôtre, bien qu’aucune entreprise française ne soit implantée et que seule une poignée de ressortissants français se soit installée sur ce territoire, qui compte au total quelque 100 000 habitants.

L’article 2 de l’accord précise que les renseignements peuvent être échangés, qu’ils « portent ou non sur un résident, un ressortissant ou un citoyen d’une partie contractante, ou soient détenus ou non par ce résident, ce ressortissant ou ce citoyen » ; l’article 6 prévoit la possibilité d’échanger des renseignements de façon spontanée.

Bien sûr, je me réjouis que notre pays prenne très au sérieux son rôle dans la dynamique globale de renforcement de la transparence fiscale, mais en avons-nous véritablement les moyens ? Il me semble difficile d’évaluer l’importance et la pertinence des renseignements qui pourront être échangés entre les administrations fiscales française et arubéenne. D’ailleurs, notre collègue Michèle André nous précise dans les conclusions de son excellent rapport que « l’approbation du présent accord a une portée symbolique ». Cela ne pose donc pas de problème majeur d’approuver cet accord « symbolique », mais on peut tout de même s’interroger sur son utilité.

Enfin, je tiens à rappeler que la véritable limite de la transparence fiscale aujourd’hui réside dans l’effectivité de l’échange de renseignements. Aruba a passé avec succès la première phase de l’examen par les pairs du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, mais seul le rapport émis à l’issue de la seconde phase permettra d’évaluer la mise en application concrète des normes relatives à la transparence fiscale.

A contrario, le Sultanat d’Oman n’étant pas membre du Forum mondial, son cadre normatif n’a pas été évalué par les pairs. Il faudra donc, comme l’a souligné Mme la rapporteur, être très vigilant quant à sa mise en œuvre effective, notamment sur l’échange d’informations. Bien sûr, en l’absence d’échange effectif, le Sultanat d’Oman pourra être rétabli sur la liste française des États et territoires non coopératifs. Je me demande cependant, monsieur le ministre, au bout de combien de temps et selon quels critères précis on évalue l’effectivité de l’échange de renseignements. Combien d’États ont déjà été réintégrés à cette liste ou pourraient l’être, et est-ce vraiment envisageable ?

En attendant de pouvoir juger de leur effectivité, vous l’aurez compris, les membres du groupe du RDSE approuveront ces deux conventions fiscales, qui, comme l’a souligné Mme la rapporteur, vont tout de même dans le sens d’un renforcement de la transparence, que nous appelons de nos vœux.

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