Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi est l’occasion de rappeler comment s’organisent aujourd’hui les rapports de force politiques autour des questions environnementales.
En effet, les considérations liées à l’environnement ont pris une place fondamentale dans l’élaboration des politiques publiques. Même si, parfois, les motivations de cette prise de conscience sont quelque peu utilitaristes, voire électoralistes, il n’en demeure pas moins que le respect de la nature est désormais une dimension indispensable de toute politique publique, ce dont nous nous félicitons.
Bien qu’une conscience aiguë des questions environnementales ne soit aujourd’hui le monopole de personne, les approches diffèrent selon la place occupée dans notre hémicycle. En d’autres termes, même s’il subsiste des antagonismes profonds sur certains sujets – le cas du nucléaire en est sans doute la meilleure illustration –, je crois pouvoir dire que la prise de conscience est collective, comme en témoigne le Grenelle de l’environnement, lancé par le précédent gouvernement. Les lois dites « Grenelle », ambitieuses, même si certains les ont jugées incomplètes, ne se suffisent cependant pas à elles-mêmes. Pour cette raison, et comme notre groupe l’a toujours souligné, la séquence de consultations, puis de décisions, que furent les Grenelle de l’environnement doit se concevoir comme une étape de la course vers une appréciation complète des enjeux écologiques et, partant, vers la définition de politiques publiques environnementales pleinement abouties.
Or, bien que le projet de loi que nous allons examiner ne soit pas aussi ambitieux que les lois dites « Grenelle », il doit être conçu comme une marche, certes plus petite que ces dernières, mais tout aussi indispensable qu’elles, dont il tend parfois à assurer la mise en application concrète.
Quelles avancées ce projet de loi doit-il donc permettre de réaliser ?
Tout d’abord, il convient de dire que la majorité des dispositions de ce texte sont de nature technique. Elles visent à apporter de nouvelles réponses juridiques à un ensemble de situations que, en l’état actuel du droit, l’État, les collectivités territoriales, les administrations et les opérateurs de l’État ont du mal à appréhender.
Ces situations concernent les transports tant ferroviaire que routier, fluvial ou maritime, ainsi que, dans une moindre mesure, le transport aérien.
De cette manière, le présent texte apporte parfois des réponses à des problématiques purement juridiques qui, nous devons le reconnaître, s’avèrent neutres sur le plan politique.
À titre d’exemple, en matière de transport ferroviaire, l’article 1er, qui tend à préciser les compétences de la direction des circulations ferroviaires, et l’article 2, qui vise à permettre aux régions de participer à des groupements composés de plus de deux autorités organisatrices pour la gestion des services de transports ferroviaires transfrontaliers, sont neutres politiquement.
En revanche, l’article 3, qui a pour objet d’instaurer une plus grande transparence, dans les entreprises ferroviaires, entre les activités de gestion d’infrastructures et celles de transport, témoigne à mon avis d’une vraie volonté politique de progresser vers la mise en œuvre de la concurrence pour les trains TER – transport express régional – et les TET, les trains d’équilibre du territoire. Je m’en réjouis, car l’échéance européenne de 2019 est inéluctable. Il convient de s’y préparer au plus vite, dans l’intérêt de nos cheminots et de la SNCF.
En matière de transport routier, les articles 10 et 11, qui visent à corriger des erreurs intervenues lors de la codification de l’ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958 modifiée, sont à visée technique, tout comme l’article 14, relatif aux ressources du Port autonome de Paris, pour ce qui est du transport fluvial.
Dans le même registre, je pense aussi à l’article 19, tendant à imposer de nouvelles marques extérieures aux bateaux pratiquant la navigation fluviomaritime, et à l’article 21, dont l’objet est d’élargir les prérogatives du directeur du parc naturel de Port-Cros.
Concernant l’article 5, relatif au déclassement de 250 kilomètres de routes nationales, je suis inquiet, monsieur le ministre, comme tous mes collègues. En commission, il a même été question de 251 kilomètres, ce qui signifie qu’une liste précise doit exister : nous souhaiterions en obtenir communication.
Certaines dispositions purement techniques présentent une dimension politique, dans la mesure où elles donnent le pouvoir à des agents de l’État de constater et de verbaliser des infractions et des contrevenants.
Dans le domaine du transport ferroviaire, l’article 4 vise à permettre aux agents de la SNCF et de RFF de constater les infractions, notamment les vols commis sur le réseau. Je rappelle à cette occasion que ces derniers se chiffrent en dizaines de millions d’euros et sont en constante augmentation depuis plusieurs années. M. Pepy ne manque pas de le rappeler à chaque réunion du conseil d’administration de la SNCF.
En matière d’insécurité routière, l’article 9 prévoit d’accroître les prérogatives des contrôleurs de transports terrestres. Des dispositions similaires sont proposées, en matière de sécurité maritime, aux articles 13, 18, 20 et 22.
Il y a donc bel et bien, dans ce texte, un ensemble de dispositions inspirées par des considérations sécuritaires. Elles nous semblent, pour la plupart d’entre elles, relever du bon sens et d’un souci légitime d’accorder à la sécurité toute la place qu’elle mérite dans les problématiques de transport.
Le dernier type de mesures que nous pouvons identifier dans ce projet de loi relève de considérations environnementales.
Ces dispositions partent ainsi, dans la plupart des cas, d’un constat d’impuissance, notamment l’impuissance des agents de l’État à régler une situation qui s’éternise. On pense ici aux articles 12 et 15, qui visent à permettre, respectivement, de déplacer d’office les bateaux en stationnement le long des voies fluviales et d’accélérer la déchéance de propriété pour les bateaux abandonnés.
Dans la continuité des lois Grenelle, l’article 16, qui vise à clarifier et à distinguer les procédures applicables en cas de marée noire et celles qui le sont au titre du régime général des créances maritimes, s’inscrit dans le prolongement des travaux du Grenelle de la mer. Cette mesure permettra de mettre fin aux confusions auxquelles sont confrontés les tribunaux de commerce, qui, pour l’instant, font usage des dispositions législatives et réglementaires relatives au régime général de responsabilité, issu de la convention LLMC, malgré la décision de 1987 de la Cour de cassation. Là encore, il me semble que cette disposition relève du bon sens.
Cela étant, la mesure phare de ce texte est sans nul doute le remplacement non pas de l’écotaxe poids lourds elle-même, mais du dispositif de majoration destiné à la répercuter auprès des clients des transporteurs. L’écotaxe ne peut en effet se concevoir sans ce dispositif de majoration, qui permet de donner une portée concrète au principe « pollueur-payeur ».
Ainsi, la majoration forfaitaire, régionale ou nationale selon que le trajet s’effectue ou non sur le territoire de plusieurs régions, obligatoirement détaillée en pied de facture de transport, permettra, de façon neutre pour le transporteur, de répercuter la taxe que celui-ci aura payée initialement. Dans la chaîne commerciale, ce seront les opérateurs suivants qui répercuteront la taxe, jusqu’au consommateur final.
Dans la mesure où une grande part des transports de proximité ne peut être assurée autrement que par la route, même si certaines expériences ont pu être tentées, par exemple en Allemagne, pour utiliser à cette fin le tramway ou la voie fluviale, il est normal que le transporteur routier ne soit pas pénalisé dans ce système. Reste à savoir si les petites entreprises de transport, très nombreuses – 80 % d’entre elles comptent moins de dix salariés –, sauront résister aux pressions commerciales des grands donneurs d’ordres pour ce qui concerne la répercussion réelle de la taxe.