Comment inciter à une évolution des comportements s’il n’existe pas d’alternative crédible à la route ? Sans même aborder l’aspect économique, il suffit de souligner que le transport ferroviaire de marchandises n’est plus opérationnel en bien des points du territoire.
Sur le principe, s’il n’est pas question de remettre en cause l’écotaxe poids lourds, dont l’instauration est une bonne chose au regard du développement durable, on ne saurait ignorer les difficultés que présentent les modalités de son application.
Encore une fois, cela a déjà été dit par plusieurs orateurs, les territoires ruraux et hyper-ruraux vont se trouver pénalisés. Dans ces zones, tout est déjà plus cher, à commencer par les approvisionnements et les carburants, alors que les services sont éloignés : il faut parfois parcourir trente kilomètres pour consulter un médecin, les trois centres hospitaliers universitaires les plus proches de mon département sont distants de 230 kilomètres, les enfants ne peuvent poursuivre leurs études sur place, faute d’établissements d’enseignement supérieur… Les transports coûtent donc très cher à la population, et rien ne peut se faire si l’on ne dispose pas d’une voiture ! Cette situation me semble contraire au principe républicain d’égalité entre les citoyens.
Les petites entreprises rurales assurant la distribution de proximité, déjà pénalisées par l’enclavement, souffriront de la concurrence des grands opérateurs, qui reporteront leur trafic sur les autoroutes à péage et paieront ainsi proportionnellement moins cher au titre de l’écotaxe. Sur ce sujet, monsieur le ministre, il convient d’être vigilant.
J’espère du moins que le nouveau SNIT, qui sera connu prochainement, tiendra compte de ces enjeux. Je rappelle que l’article L. 1113-3 du code des transports dispose que la programmation des infrastructures doit prendre en compte l’aménagement et la compétitivité des territoires. Si les seuls critères retenus sont la démographie et le rendement économique, la notion même d’aménagement du territoire se trouve vidée de toute substance ! Or, il ne faut pas oublier que le monde rural offre des services, notamment aux habitants des grandes villes qui viennent s’oxygéner en Ardèche, en Haute-Loire, dans le Cantal, en Corrèze, dans l’Aveyron, dans les massifs montagneux. Tous ces territoires doivent donc être convenablement desservis.
Mes chers collègues, j’aurais pu vous parler de la RN 88, de la RN 122, en Auvergne, ou de la RN 21, chère à Raymond Vall, mais, par manque de temps, je ne le ferai pas.
Il faut cesser de fonder les choix d’infrastructures uniquement sur les critères du nombre d’habitants ou de l’intensité du trafic routier. C’est une question de solidarité entre les territoires. Il n’y a pas que les grandes agglomérations, les grands ports et les capitales régionales ! Au demeurant, le président François Hollande, dont je soutiens l’action, a clairement exprimé sa volonté en la matière, par la création d’un ministère dont l’intitulé fait mention de l’égalité des territoires.
Par conséquent, si la mise en œuvre de l’écotaxe est une mesure positive, il faut, en matière d’aménagement du territoire, des actions, des décisions, du concret, en somme des preuves d’amour ! En effet, dans notre pays, tout le monde prétend aimer la ruralité, mais les actes ne suivent guère, et je ne parle même pas de l’hyper-ruralité… Or il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ! §
Certes, sur les 1, 2 milliard d’euros que rapportera chaque année l’écotaxe, les collectivités territoriales devraient toucher 160 millions d’euros, mais cela est bien moins que les 280 millions d’euros dont bénéficiera l’entreprise italienne Autostrade per l’Italia. Cette situation me choque un peu. En outre, comme l’a souligné mon collègue Michel Teston, le réseau concédé engrangera, grâce aux reports de trafic, un surcroît de recettes estimé entre 200 millions et 400 millions d’euros !
J’aimerais aborder rapidement un autre élément tout aussi choquant.
Aux termes de l’article 275 du code des douanes, « par exception, les taux kilométriques sont minorés de 25 % pour les régions comportant au moins un département métropolitain classé dans le décile le plus défavorisé selon leur périphéricité ». Je trouve pour le moins surprenant que parmi les bénéficiaires de la minoration de la taxe poids lourds figurent les régions Aquitaine, Bretagne ou Midi-Pyrénées, qui comptent pourtant des agglomérations de plus d’un million d’habitants, des aéroports internationaux, des nœuds autoroutiers, …