Intervention de Jean-Jacques Filleul

Réunion du 11 février 2013 à 16h00
Diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports pourrait presque paraître anodin par son intitulé. En fait, plusieurs dispositions et articles sont essentiels. Le rapport de Roland Ries, présenté en commission la semaine dernière et cet après-midi, en fournit l’exacte expression. Je veux d’ailleurs le féliciter de la clarté de ses exposés, ce qui a permis à chaque fois de bien préciser les enjeux.

J’en viens maintenant aux commentaires et parfois aux interrogations sur les articles 3, 4 et 7.

L’article 3 relève de la directive communautaire 91/440/CE et vise à renforcer l’obligation, déjà faite aux entreprises ferroviaires, de séparer les comptes entre gestionnaire d’infrastructures et exploitant de services de transport. Apparemment, la Commission européenne juge que cette directive est insuffisamment mise en œuvre : elle considère que l’obligation de publication séparée des comptes n’apparaît pas explicitement en droit national. Ce ne sera plus le cas après le vote de ce texte.

Je comprends que le Gouvernement veuille se préserver d’une procédure contentieuse, mais je m’interroge : jusqu’où la très libérale directive 91/440/CE peut-elle être utilisée lorsque ses attendus ne sont pas tous exécutés ? Par exemple, l’assainissement de la situation financière des entreprises ferroviaires n’étant pas réalisé en France, l’Europe ne peut-elle pas prendre ce prétexte pour perturber la nouvelle gouvernance que vous proposez, monsieur le ministre ?

Cependant, il y a lieu aussi de se réjouir de ce texte. Je me félicite ainsi du renforcement de la protection du domaine public ferroviaire prévu à l’article 4. Depuis 2010, la SNCF a recensé une nette recrudescence des vols de métaux, qui augmentent de plus de 300 %. Ces vols ne concernent d’ailleurs pas que la SNCF, ils se multiplient aussi dans les déchetteries dont nous avons la charge dans nos collectivités locales. Ils sont également en hausse de 30 % chez les particuliers. Les vols représentent, nous dit-on, un préjudice de 30 millions d’euros pour RFF en 2010.

Il est utile que des mesures préventives soient prises. En votant l’article 4, qui vise à élargir les catégories d’agents assermentés pouvant constater les infractions, nous renforçons le dispositif de prévention des vols.

S’il est un article qui compte et donne tout son crédit à ce projet de loi, c’est bien celui qui a trait à l’écotaxe pour les poids lourds de plus de 3, 5 tonnes. L’article 7 se rattache à la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement d’août 2009, qui précise dans son article 10 : « La politique des transports contribue au développement durable et au respect des engagements nationaux et internationaux de la France en matière d’émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants, tout en limitant la consommation des espaces agricoles et naturels. » L’objectif est bien de réduire les gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 dans le domaine des transports afin de lutter contre le changement climatique.

Cette écotaxe devait être généralisée à compter de juin 2012. Elle le sera, nous l’espérons, monsieur le ministre, dans le cadre de ce projet de loi, qui permettra non pas de créer la taxe, puisqu’elle existe déjà, mais de définir le mécanisme de sa répercussion.

Cette innovation financière s’inscrit dans le cadre communautaire fixé par la directive Eurovignette du 17 juin 1999. Elle a pour objet d’externaliser et de réduire les impacts environnementaux des transports de marchandises, et de favoriser le report modal sur le fret ferroviaire. Elle prévoit également de mieux faire payer les coûts d’investissement et d’exploitation du réseau par les poids lourds, quelle que soit leur nationalité. Elle tend aussi à rationaliser à terme le transport routier sur les moyennes et courtes distances. Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, elle prévoit – de nombreux intervenants avant moi y ont fait référence – de dégager des ressources pérennes pour l’AFITF, ce qui permettra en particulier de financer l’infrastructure ferroviaire.

J’apprécie, monsieur le ministre, le souci que vous avez manifesté dès votre entrée en fonction de vous ouvrir à un système de collecte négocié avec la profession. Ainsi, votre projet, que mes collègues du groupe socialiste et moi-même adopterons, permet de reporter la charge du transport sur le donneur d’ordre afin de ne pas la faire peser intégralement sur les transporteurs, car nous savons que les marges sont faibles dans cette profession.

À la différence du décret initial, l’article 7 prévoit la mise en place un système simplifié et non contesté. Ce dispositif de majoration forfaitaire unique est proposé pour toutes les catégories d’opérations de transport routier, quel que soit l’itinéraire emprunté.

La Fédération nationale des transports routiers, la FNTR, Centre-Val de Loire, dans une circulaire du 31 janvier 2013, précise que « Ce dispositif répond aux demandes de simplification de la profession. Il respecte dans ses deux dimensions interdépendantes la volonté du législateur exprimée à l’occasion du vote de la loi Grenelle 1. »

Nous pouvons le comprendre, les professionnels s’en seraient bien passés ; mais quitte à payer une écotaxe, autant qu’elle soit acceptable.

Je suis étonné, et je ne suis pas le seul, d’entendre nos collègues de l’ex-majorité douter aujourd’hui de l’écotaxe. Cette subite angoisse face à l’acte voté n’est plus une affaire de contenu ou de contenant, mais c’est finalement les deux à la fois ! Je suis d’autant plus étonné qu’ils ont accepté en leur temps que la société Ecomouv’, filiale d’un groupe italien, soit chargée de la mise en place et de la collecte de la taxe, dont le coût est très élevé, il est vrai, mais cela ne date pas d’hier !

Nos collègues s’ouvrent maintenant à de nombreuses demandes d’exonérations, principalement à celles des grossistes. Ces derniers, que j’ai également rencontrés, mettent en avant leur activité : ils ne se considèrent pas comme des transporteurs, mais se perçoivent comme des livreurs. Chacune de ces activités, qu’il s’agisse du transport ou de la livraison, est utile, mais c’est l’usage des infrastructures, et non le type d’activité, qui permet d’identifier le champ d’application du dispositif.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, ce texte et l’article 7 sont bien dans l’état d’esprit du Grenelle 1, adopté à une large majorité. Je me réjouis que, grâce à ce projet de loi, le report financier de la route vers le rail contribue aussi pour l’avenir à réduire l’inégalité de traitement du fret ferroviaire par rapport au fret routier. Néanmoins, nous le savons tous, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.

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