J’ai beaucoup d’estime pour les amendements de MM. Bertrand et Mézard, dont je comprends les motivations, étant moi-même l’élu d’un département dont la densité moyenne est de trente et un habitants au kilomètre carré, cette densité étant même inférieure à quinze habitants au kilomètre carré dans la plupart des cantons.
Ayons toutefois la lucidité de reconnaître que notre territoire national métropolitain, celui visé par ces amendements, subit à la fois des contraintes géographiques, historiques et, dans les décisions d’aujourd'hui, économiques. Dans ces conditions, pouvons-nous raisonnablement voter ces amendements ?
Nous pourrions le faire : nous sommes dans l’opposition – ce serait faire malice au Gouvernement – et, avec un peu de bonne volonté, nous parviendrions à rassembler une majorité de circonstance sur des dispositions qui suscitent l’adhésion spontanée de l’ensemble des membres de cet hémicycle. Reste que cela ne serait assurément qu’un signal d’alarme, un témoignage d’alerte, comme vient de le faire, avec beaucoup d’émotion, Jean Boyer.
Monsieur le ministre, nous vous faisons crédit de votre ambition de nous présenter, après les travaux que M. Philippe Duron conduit suivant un calendrier que vous pourriez peut-être nous préciser, une réflexion globale sur l’ensemble des infrastructures dans notre pays. Dans ce débat, nous pourrions en effet reprendre les questions évoquées par nos collègues Bertrand et Mézard ainsi que les autres signataires de ces amendements.
Si nous votions ces dispositions, l’Assemblée nationale les retoquerait en soulignant que la Haute Assemblée a travaillé avec superficialité dans le registre de l’émotivité. Ce n’est pas notre culture ; sur un sujet majeur et grave, nous voulons travailler sur le fond et attendons du Gouvernement qu’il nous dise, connaissant les contraintes financières générales, particulièrement celles de l’AFITF – pour lequel l’écotaxe est assurément un soutien, quoique insuffisant –, comment gérer la pénurie.
Pour prolonger les propos de Jean Boyer, j’aimerais savoir pourquoi la région la plus dense, la plus riche, où la circulation est la plus forte et où les embouteillages sont les plus fréquents, soit également celle où les péages routiers sont inexistants. Tout provincial qui prend l’autoroute paie un péage au premier kilomètre !
Les douze millions de Franciliens vivent mal très largement parce que leurs réseaux routiers sont gratuits, ou l’étaient jusqu’à présent. Grâce à l’écotaxe, la Francilienne, l’A106 vont commencer à participer au financement d’infrastructures coûteuses qui pénalisent non seulement les Franciliens, mais également les provinciaux qui ont toujours, dans ce pays centralisé, la nécessité de venir à la capitale. Ils sont d’ailleurs deux fois perdants : parce qu’ils ont du mal à quitter leur territoire faute d’infrastructures et, quand ils en ont – ce qui est le cas de la Lorraine –, parce qu’ils arrivent dans une région parisienne saturée où les Franciliens sont certes mécontents mais accèdent à des infrastructures que nous, provinciaux, je le répète, payons dès le premier kilomètre parcouru.
Ce que nous attendons de vous, monsieur le ministre – les amendements de nos collègues Bertrand et Mézard sont manifestement des amendements d’appel –, c’est que, au-delà de la mise en œuvre de l’écotaxe, vous puissiez nous indiquer un calendrier. Les élus des territoires doivent pouvoir se retrouver pour assumer des choix, en sachant que les contraintes économiques, les réalités géographiques et l’histoire même de nos infrastructures et de l’organisation politique de notre pays ne nous permettront pas de tout réaliser. Il faut en effet accepter des priorités, qu’il vous appartient de nous donner au nom du Gouvernement, puis les accompagner par des financements.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne choisirons pas la facilité, qui serait de vous mettre en difficulté ; nous nous abstiendrons dès lors que vous nous fixerez un calendrier précis.