Monsieur le ministre, je ne peux pas laisser sans réponse certains de vos propos ; dans cet hémicycle, on peut tout dire, mais on a aussi le droit de réagir.
En qualité de rapporteur des lois Grenelle I et Grenelle II, j’ai passé des heures et des heures, avec d’autres, à débattre de l’écotaxe. À l’époque, nous cherchions à favoriser le report modal de la route vers le chemin de fer et nous avons longuement discuté des moyens d’atteindre cet objectif. Il s’agissait également de pénaliser les transporteurs routiers qui, pour ne rien payer, empruntent les routes nationales ou départementales plutôt que les autoroutes concédées.
Nous visions en particulier le transport de grand transit, c’est-à-dire, par exemple, les camions transportant d’Essaouira à Bruxelles des sardines qui auraient très bien pu transiter par le réseau ferroviaire. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, ces trajets ne sont pas l’essentiel du transport, dont 80 % a lieu dans un rayon de 300 kilomètres – et non 75 ou 80 kilomètres – autour du point de départ. Telle est la réalité.
Lorsque l’écotaxe a été votée à l’unanimité, notre objectif était de taxer le transport de grand transit, pas le camion de lait, monsieur Boyer, ou le camion de céréales, ni la benne à ordures ou le camion d’assainissement. Notre intention n’était pas davantage de taxer les camions par lesquels les départements assurent l’entretien de leurs propres routes ; au sujet de ces véhicules, je défendrai dans quelques instants, avec d’autres, l’amendement n° 37. Je répète qu’il s’agissait de taxer le transport de longue distance pour favoriser le report modal et limiter les émissions de CO2.
Malheureusement, cette belle idée est en train de se transformer en une taxe peut-être nécessaire, mais banale, dont la seule fonction est de lever des recettes. Si encore il s’agissait d’entretenir les routes… Mais je n’en suis même pas sûr.
Monsieur le ministre, je trouve assez curieux que, lorsque les départements ont demandé qu’un certain nombre de routes départementales servant au grand transit soient assujetties à la taxe poids lourds – c’est un président de conseil général qui vous parle –, l’administration ait refusé. Il en résulte des situations incohérentes, tous les tronçons d’une même route n’étant pas soumis au même régime : par exemple, dès qu’on quitte la Côte-d’Or et qu’on entre en Haute-Marne, ce n’est plus la même situation.
La taxe proposée par le Gouvernement frappera indifféremment les gros transporteurs et les sans-grade, c’est-à-dire les petits transporteurs locaux. Certes, son incidence ne sera pas considérable. Toutefois, elle entraînera un surcoût qui, même si l’on dit qu’il sera répercuté sur le donneur d’ordres, sera de toute façon supporté in fine par le consommateur.
Comme Mme Des Esgaulx l’a expliqué très brillamment, un certain nombre de catégories ont su se protéger. Cette protection est assurée non pas par le code des douanes, mais par le code de la route, qui définit les véhicules d’intérêt général prioritaires, parmi lesquels figurent notamment les véhicules de l’armée et des pompiers – heureusement d'ailleurs, car ces derniers sont financés par les départements.