Si l’effort est à notre portée, si des gisements importants d’économies existent, la maîtrise de la dépense publique ne produira des effets à la hauteur des enjeux que si la contrainte est équitablement partagée entre tous les acteurs de la dépense publique.
La pleine participation du secteur local aux efforts de maîtrise de la dépense trouve sa justification dans la croissance soutenue des dépenses publiques locales au cours de la dernière décennie. En euros constants et hors transferts de compétences, bien sûr, celles-ci ont augmenté entre 2002 et 2011 de 16 milliards d'euros pour le bloc communal, de 13 milliards d'euros pour les départements et de 7 milliards d'euros pour les régions.
La Cour considère que des marges de manœuvre importantes existent dans les communes et les intercommunalités. Une attention particulière doit entourer les projets d’investissement touristiques, sportifs et culturels.
L’exemple du complexe Cap’Découverte, ouvert en 2007 à Carmaux dans le Tarn, l’illustre. Reposant sur une ambition irréaliste – 660 000 entrées payantes prévues, 73 200 réalisées en 2012 –, le site connaît un déficit important et non soutenable pour les collectivités concernées, ce qui pose la question de son avenir.
Il convient de tenir compte, dans l’effort demandé aux collectivités, des situations particulières à certaines catégories d’entre elles. Ainsi, le chapitre du rapport qui examine la situation financière des départements montre que ceux-ci sont en moyenne dans une situation difficile, en raison du faible dynamisme de leurs recettes et de l’accroissement de dépenses obligatoires dans le champ social. Toutefois, d’un département à l’autre, les situations sont différentes, ce qui appelle un renforcement de la péréquation, c’est-à-dire la redistribution des ressources entre collectivités.
L’effort doit également concerner les opérateurs, c’est-à-dire les établissements de statuts divers dont le contrôle est assuré par l’État. Là aussi, d’importantes marges de progrès existent.
Le cas du Centre national d’enseignement à distance, le CNED, illustre celui d’un établissement qui n’a ni anticipé ni réussi à suivre la transformation profonde des modes d’enseignement qu’entraîne le développement des formations en ligne. Le CNED doit rapidement adopter une stratégie à la fois modernisatrice et réaliste, disposer de moyens humains adaptés et mieux les gérer.
L’exemple de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, créé en 2007, révèle une accumulation de missions mal assurées et des déficiences graves dans l’organisation et la gestion.
Les efforts doivent aussi concerner les administrations de sécurité sociale, afin de maîtriser les dépenses sociales. Le rapport fournit plusieurs illustrations des marges de progrès existantes, qu’il s’agisse du pilotage et des outils de la lutte contre la maladie d’Alzheimer, notamment en termes de prise en charge de certains médicaments à l’efficacité incertaine, de la prévention des accidents du travail ou des téléservices publics de santé, en particulier le dossier médical personnalisé. Une meilleure gestion permettrait d’obtenir à la fois de bien meilleurs résultats en matière de santé et d’importantes économies pour les régimes sociaux.
Enfin, les impératifs de bonne gestion doivent concerner aussi les entreprises publiques. Les contrôles de ces entreprises par la Cour des comptes mettent en évidence des pistes d’amélioration de leur gestion.
Ainsi, la Cour des comptes met en garde le groupe EDF devant les risques qu’entraîne l’accumulation d’avantages salariaux. Elle propose que le bénéfice du « tarif agents », c’est-à-dire la fourniture d’électricité à très bas prix pour les agents, soit plafonné et que ses modalités d’évaluation soient conformes aux règles de droit commun applicables aux avantages en nature en matière fiscale et en matière sociale. Elle recommande également que les rémunérations des cadres dirigeants tiennent mieux compte de leur performance individuelle et collective.
L’examen par la Cour des comptes de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France montre une évolution chaotique et une dérive financière, alors qu’un dispositif plus cohérent, plus lisible et plus efficient était attendu de la fusion de France 24, Radio France Internationale, TV5 Monde et Monte Carlo Doualiya. Au contraire, cette fusion inachevée a entraîné d’importants surcoûts. Il importe de définir une stratégie réaliste par rapport aux contraintes des finances publiques et de mettre en œuvre les mutualisations attendues, en surmontant les blocages.
Le rapport prend aussi l’exemple des dépenses de communication de la SNCF, qui révèle des irrégularités du point de vue de la commande publique, et des opérations dispendieuses ; quelques illustrations figurent dans le rapport.
Vous le constatez, les possibilités d’économies concernent l’ensemble des acteurs publics. Elles tiennent parfois aux imperfections de la gestion. Elles tiennent également souvent au mauvais ciblage des interventions publiques. La Cour des comptes constate très fréquemment que le territoire retenu pour une action publique n’est pas le plus pertinent, ou que les bénéficiaires d’une prestation ne sont pas uniquement ceux qui en ont le plus besoin. Pour arroser quelques parterres de fleurs, on irrigue tout un jardin.