… avec un effet social redistributif important, car, selon les premières simulations réalisées, parmi les ménages les moins aisés, 87 % constateront un gain net sur leur facture, contre 66 % des ménages les plus aisés.
À l'inverse, pour les factures qui augmenteront en application du malus renforcé, le surcoût sera deux fois plus important pour les ménages les plus aisés que pour les moins aisés d’entre eux.
Troisième évolution notable, le malus sera d'abord pédagogique – comme le souhaitait M. Roland Courteau – lors de l'entrée en application du dispositif.
Ce malus pédagogique, qui répond au souhait, exprimé par les sénateurs, que les ménages ne se trouvent pas pénalisés parce qu’ils vivent dans une passoire énergétique, pourra être ensuite ajusté chaque année, afin d'organiser la montée en puissance du dispositif à mesure que les autres politiques de sobriété énergétique porteront leurs fruits ; je pense, en particulier, au plan de rénovation énergétique.
Le législateur sera pleinement associé à l'évolution du bonus-malus qui, certes, sera fixé par la voie réglementaire, mais qui pourra être discuté, chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances.
Autre évolution importante, pour les ménages éligibles aux tarifs sociaux – tout particulièrement ceux qui sont logés dans des passoires énergétiques –, le malus pourra être réduit à un euro symbolique, afin de ne pas obérer un pouvoir d’achat déjà fragile. Cette modification correspond à la volonté d’un certain nombre de parlementaires.
Quatrième évolution, le malus pédagogique est complété par un deuxième niveau, le malus dissuasif, qui frappera les consommations extravagantes. Ce dispositif sera réservé aux consommations excessives et sanctionnera donc les gaspillages. Ces consommations sont définies comme étant celles qui sont au moins trois fois supérieures aux consommations raisonnables correspondant au volume de base.
Cinquième évolution, la collecte des données pour calculer le bonus-malus sera confiée à un organisme public désigné par l'État. Ce n'est plus à l'administration fiscale que reviendra cette tâche, mais à un organisme à maîtrise publique, et l’on pense en particulier à Électricité réseau distribution France, ERDF.
Les adresses des logements et le nombre de personnes composant chaque ménage sont des données déjà connues. Il ne restera qu’à les compléter par le mode de chauffage principal utilisé dans le logement. Je tiens à le préciser très clairement, cette collecte ne provoquera pas de recrutements massifs, ni de coût exorbitant. Elle sera d'ailleurs financée par le dispositif lui-même.
D'autres modifications ont été apportées pour tenir compte de l'avis du Conseil d'État.
Les résidences secondaires seront soumises à un régime adapté, comme le Conseil d’État l’a suggéré, pour éviter que les résidences secondaires ne bénéficient d’une sorte de bonus. Pour les immeubles d'habitation à chauffage collectif, l’adoption d’un amendement en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale a permis d'avancer la date de la généralisation des compteurs individuels.
Cette proposition de loi, outre le mécanisme du bonus-malus, comprend d’autres dispositions utiles et attendues.
Tout d’abord, en ce qui concerne le service public de la performance énergétique, elle remédie au défaut d’opérateur pour accompagner les Français dans le cadre de la réhabilitation de leur logement, qu'il soit collectif ou individuel. Ce dispositif sera l’un des piliers du plan de rénovation thermique, qui concernera 500 000 logements anciens par an.
Ensuite, la proposition de loi étend le bénéfice des tarifs sociaux. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a pris, en décembre dernier, un arrêté en ce sens. Je souhaite d'ailleurs revenir un instant sur les dispositions de ce texte et sur celles de la proposition de loi.
L'arrêté augmente le plafond de ressources pour les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz. Auparavant fixé au niveau de celui qui ouvre droit à la couverture maladie universelle complémentaire, ce plafond est porté au niveau de celui qui ouvre droit à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé. Concrètement, pour une personne seule, le plafond pour bénéficier des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz passe ainsi de 661 euros par mois à 893 euros par mois.
Pour un ménage se chauffant au gaz, cela représente, pour une consommation moyenne, un gain de pouvoir d’achat d’environ 200 euros par an, ce qui est tout à fait substantiel.
Le nombre de foyers bénéficiaires des tarifs sociaux se trouve ainsi porté de 1, 2 million à 1, 7 million. Ce dernier chiffre a pu être atteint en agissant par la voie règlementaire, mais il reste très en deçà de l'objectif qui avait été fixé par le Président de la République, à savoir toucher 4 millions de foyers.
Pour atteindre cet objectif, la loi est indispensable. En effet, il faut disposer de critères de revenus connus des services fiscaux pour toucher les 2, 3 millions de foyers restants. Or la Commission nationale de l’informatique et des libertés impose une base législative pour croiser les données fiscales avec les données des organismes d'assurance maladie.
Par ailleurs, l'extension des tarifs sociaux à 4 millions de foyers, soit environ 8 millions de bénéficiaires, nécessite de conforter juridiquement le tarif social de l'électricité en permettant à tous les fournisseurs de le proposer. Voilà pourquoi le vote de la disposition législative concernée, qui figure dans la proposition qui vous est soumise, est indispensable.
Une troisième disposition, très attendue, est celle qui porte sur l’effacement industriel, avec la possibilité ouverte pour RTE, le Réseau de transport d'électricité, de lancer des appels d’offres, et sur l’effacement diffus. Vous le savez, le 19 décembre dernier, j'ai pris un décret sur la mise en place du mécanisme de capacité, et ces dispositions sur l’effacement, qui permettent de valoriser les économies d’énergie réalisées soit par les industriels, soit dans le cadre de l’effacement diffus, sont très attendues.
J’en viens aux mesures d’urgence pour l’éolien, dont dépend directement l’avenir de 11 000 emplois en France, compte tenu de l’effondrement des projets d’implantation d’éoliennes au cours de l’année 2012. Vous le savez, des mesures d’urgence de relance de l’ensemble des filières d’énergie renouvelable sont très attendues. Je rappelle par ailleurs que l’éolien terrestre figure aujourd’hui parmi les énergies renouvelables les plus compétitives.
Le texte prévoit enfin l’expérimentation de la tarification progressive de l’eau.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’ambition de lier de façon indissociable la question sociale et la question écologique est au cœur de cette proposition de loi. C’est pourquoi le Gouvernement a voulu associer l’extension des tarifs sociaux de l’énergie – 8 millions de Français seront concernés – à un message de responsabilisation vertueux en matière de maîtrise de la consommation et d’économies d’énergie.
Les inégalités en matière de besoins énergétiques pour chauffer son logement ou pour se déplacer sont criantes selon son lieu et son type d’habitation. Il s’agit en quelque sorte d’une double précarité énergétique liée au logement et à la mobilité. Cette précarité énergétique touche aujourd’hui 13 % des ménages, soit 8 millions de personnes. Elle est le symptôme le plus évident des inégalités environnementales dans l’accès à l’énergie, mais elle s’ajoute aux inégalités liées aux déplacements ou à l’accès aux transports collectifs.
Développer cette approche, celle de la « social-écologie »