Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 13 février 2013 à 14h30
Système énergétique sobre tarification de l'eau et éoliennes — Discussion d'une proposition de loi en nouvelle lecture

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul, rapporteur :

L’enjeu est tout autant social qu’environnemental : consommer moins, c’est aussi « habiter mieux » – je vous sais sensible à cette expression, monsieur Merceron – et dépenser moins. La présente proposition de loi contribue à la définition de cette politique en créant, à l’article 6, le service public de la performance énergétique de l’habitat.

C’est aussi dans ce cadre que s’inscrit la mesure emblématique de la proposition de loi : le fameux bonus-malus sur les consommations domestiques d’énergies de réseau, mis en œuvre par l’article 1er. C’est une version profondément transformée, et améliorée, de ce dispositif qu’il nous revient aujourd'hui d’analyser. Mme la ministre a rappelé les différentes évolutions de ce texte, en particulier sur le traitement des fichiers. Je n’y reviens pas.

Je rappellerai en quelques mots le fond de ce texte. Trois tranches de consommation sont définies pour la consommation d’électricité, de gaz et de chaleur en réseau. Les limites dépendent du nombre d’occupants du logement, du mode de chauffage et de la localisation géographique. Un bonus est appliqué sur la partie de la consommation comprise dans la première tranche, un malus modéré sur la partie de la consommation comprise dans la deuxième tranche et un malus plus important dans la troisième tranche. Le malus est minoré par arrêté, vous l’avez rappelé, madame la ministre, pour les personnes bénéficiant des tarifs sociaux.

Un mécanisme particulier est mis en place dans les immeubles collectifs avec chauffage commun. Il prévoit en particulier l’installation, d’ici au 1er janvier 2015, de dispositifs permettant de compter l’énergie de chauffage consommée dans chaque logement, ce qui suppose la mise en place de compteurs individuels.

Or ces compteurs, déjà prévus dans une loi datant de 1974, n’ont jamais été opérationnels. Il faudra pourtant mesurer en 2015 les consommations qui serviront au calcul des premiers bonus versés et des premiers malus collectés en 2016.

La collecte des données personnelles sera organisée par un organisme désigné à cet effet.

Enfin, le montant total des bonus versés devra être équilibré par le montant total des malus collectés, de sorte que le dispositif soit autofinancé et finance aussi la collecte des données, comme l’a rappelé tout à l’heure Mme la ministre. Un compte sera ouvert à cet effet auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

S’il reprend l’esprit du dispositif déjà adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, le bonus-malus, tel qu’il a été réécrit en nouvelle lecture par les députés, apporte certaines réponses aux reproches qui lui avaient été adressés : le croisement des données des fournisseurs avec celles de l’administration fiscale a été abandonné ; les critères de calcul des volumes de base ont été quelque peu simplifiés ; le dispositif relatif aux relations entre locataires et propriétaires a été retiré ; un délai plus réaliste de mise en œuvre est défini, puisque les premiers bonus et malus seront appliqués en 2016 sur la consommation de 2015. La précision que vous avez apportée concernant les dates est importante, madame la ministre.

Certains principes proposés par notre rapporteur en première lecture ont été repris par les députés. Malgré cela, la commission des affaires économiques a considéré que le mécanisme demeurait trop complexe et qu’il était porteur d’injustices pour certaines catégories de consommateurs, notamment les ménages à faibles revenus ou les personnes âgées. C’est pourquoi elle a rejeté l’article 1er lors de sa réunion du 6 février dernier.

Avant ce rejet, la commission avait adopté certains amendements que j’avais déposés, en remplacement de Roland Courteau, conscient de la nécessité d’améliorer encore le texte.

J’avais notamment proposé, en reprenant une idée déjà avancée en première lecture, que les sommes dégagées par le malus soient entièrement consacrées à la politique d’amélioration de la performance énergétique des logements, en visant en priorité les habitations occupées par des ménages à faibles revenus, lesquels vivent souvent dans des passoires thermiques. L’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, les services sociaux, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, aideraient à identifier les logements ayant véritablement besoin d’un coup de pouce pour leur rénovation.

Le Conseil économique, social et environnemental préconisait de dégager en priorité des recettes pour ce type d’opération. Compte tenu des contraintes budgétaires que connaît notre pays, lesquelles ont été rappelées par le Premier président de la Cour des comptes tout à l’heure, l’affectation du produit du malus à cette priorité me paraît la solution la plus simple et la plus juste.

La commission a également adopté un autre amendement tendant à réduire considérablement le champ du mécanisme de collecte des données. Il tend à supprimer le bonus de la première tranche – désolé, madame la ministre ! – et le malus de la deuxième tranche, de sorte que des formulaires ne seraient envoyés qu’à 25 % des abonnés.

Le deuxième axe majeur de ce texte est la justice sociale. Il faut prendre en compte les plus précaires.

Tout d’abord, l’article 1er A fait de la lutte contre la précarité énergétique l’un des grands objectifs de la politique énergétique.

Ensuite, l’article 3 étend le champ des bénéficiaires du tarif de première nécessité pour l’électricité afin d’y intégrer les 4 millions de ménages concernés par la précarité énergétique.

Le médiateur national de l’énergie lance des signaux d’alerte : 19 % des dossiers traités en 2012 concernent des consommateurs en difficulté de paiement, contre 15 % en 2011. Plus inquiétant encore : 42 % des foyers en France ont restreint leur chauffage par crainte d’avoir à régler des factures trop élevées. Nous le savons, dans nos territoires, les centres communaux d’action sociale constatent aujourd’hui que les difficultés quotidiennes liées au paiement du loyer ou des factures d’énergie sont devenues le premier élément déclencheur des nouvelles demandes d’aides qui leur sont adressées.

Madame la ministre, vous avez pris les mesures réglementaires qui s’imposaient : grâce à l’arrêté du 21 décembre 2012, les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz bénéficient désormais aux ménages ayant droit à l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé, soit 400 000 foyers supplémentaires.

Comme vous l’avez souligné, il est nécessaire d’aller plus loin, par voie législative. Tel est l’objet de l’article 3. En effet, le passage par la loi est nécessaire, quoi qu’en pensent certains, afin de porter à 4 millions de ménages le nombre de bénéficiaires effectifs des tarifs sociaux.

Enfin, l’article 8 interdit aux fournisseurs de couper l’approvisionnement en énergie pendant les mois d’hiver. Les députés ont complété fort logiquement cette mesure par une interdiction de résilier l’abonnement.

Cette trêve hivernale permettra d’éviter de nombreux drames. On sait très bien en effet que les accidents de la vie sont de plus en plus nombreux. Il ne suffit pas que la trêve s’applique aux bénéficiaires des tarifs sociaux, d’une part, parce qu’on peut se situer juste au-delà des limites de revenus permettant de bénéficier desdits tarifs et avoir des difficultés temporaires pour payer sa facture d’énergie ; d’autre part, parce que l’énergie est aujourd’hui un bien essentiel, qui justifie des mesures de protection particulières.

Par ailleurs, si certains opérateurs ne respectaient pas cette loi, EDF serait l’opérateur de dernier recours, comme ses responsables nous l’ont eux-mêmes confirmé lors de leur audition. Si un opérateur – je ne citerai pas de nom – résiliait un contrat la veille du début de la trêve hivernale, EDF prendrait cet abonné en charge, quelle que soit sa dette éventuelle vis-à-vis de l’opérateur antérieur. EDF a pris un engagement très ferme à cet égard, lequel m’a d’ailleurs surpris.

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