Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur l'avenir de l'industrie en france et en europe

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, nous sommes au chevet de notre industrie. De rapports en débats on le répète à l’envi : l’industrie et l’emploi doivent être la préoccupation numéro un du Gouvernement.

Ce constat a été réitéré lors des états généraux de l’industrie. Pourtant, l’année 2012 a encore enregistré la fermeture de 266 sites industriels, soit 42 % de plus qu’en 2011. Quelque 1 200 usines ont fermé leurs portes depuis 2009, représentant plus de 120 000 emplois perdus.

Qui plus est, aujourd’hui, 12 000 emplois sont menacés par la perspective de fermeture définitive de certains sites, comme celui de Peugeot à Aulnay. Au reste, les difficultés de PSA, de Renault, d’Arcelor Mittal ou encore d’Alcatel ne sont que la partie émergée de l’iceberg : de telles firmes entraînent en effet dans leur chute une foule de PME et de sous-traitants. Goodyear annonce ainsi la suppression de 1 173 postes.

Notre système financier a été profondément transformé depuis les lois déréglementant l’activité bancaire et les marchés financiers, et ce dès 1984.

L’évolution vers une finance au service des marchés et non plus de l’économie réelle a affecté le mode de contrôle du capitalisme français. Ce modèle, qui permettait des relations financières stables avec un capital « patient » et des stratégies industrielles de long terme, est aujourd’hui remis en cause, voire inexistant.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les gouvernements successifs ont donné aux multinationales, qui dominent largement notre secteur industriel, les moyens d’organiser leur propre non-rentabilité. Ces entreprises peuvent pratiquer l’optimisation fiscale et sociale. Pis, elles emploient ces méthodes de façon de plus en plus agressive, via les prix de transferts auxquels les différentes entités d’un groupe se vendent ou s’achètent produits et prestations de services afin de localiser les profits là où l’imposition des bénéfices est la plus faible.

Le cas de l’Irlande montre l’ampleur de ces manipulations. Les Français restent parmi les plus productifs au monde. Ainsi, en 2012, un Français qui occupe un emploi a produit 75 000 euros de richesse, contre 63 000 euros seulement en Allemagne et 65 000 euros en moyenne dans la zone euro. Mais les Irlandais sont censés être beaucoup plus efficaces encore, avec 89 000 euros par emploi, 17 % de plus qu’en France et 36 % de plus que dans la zone euro. C’est là une fiction qui ne résulte que des manipulations frauduleuses des multinationales pour transférer en Irlande les bénéfices réalisés ailleurs en Europe.

La finance, qui crée et organise la mobilité du capital dans l’espace, influence la géographie des activités productives. La participation des investisseurs est devenue très volatile. La durée moyenne de détention des titres à la bourse de Paris est ainsi passée en quelques années de deux ans à moins de six mois : ce n’est pas là le temps de l’industrie.

Les réformes qui ont conduit à l’extension de la place de la finance dans l’économie avaient pour justification l’amélioration du financement des activités économiques. Pourtant, selon un diagnostic publié par le Centre d’analyse stratégique, cette efficience des marchés n’a pas été au rendez-vous. D’ailleurs, le rapport concluant les états généraux de l’industrie souligne l’inadéquation entre la longueur des cycles de développement, qui peuvent atteindre, voire dépasser la dizaine d’années, et les délais de rendement attendus par les investisseurs, qui sont beaucoup plus courts.

Alors, lorsque Carlos Ghosn, PDG de Renault, propose, pour « donner l’exemple », de différer à fin 2016 le paiement de 30 % de la part variable de sa rémunération de l’an passé, rémunération de près 3 millions d’euros, en demandant en échange aux employés, pour sauver les emplois les plus menacés, notamment ceux de Sandouville, d’accepter des baisses de salaires, …

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