Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur l'avenir de l'industrie en france et en europe

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’industrie est au cœur des débats actuels et je m’en réjouis. Le leurre d’une transition vers une économie de services semble aujourd’hui ne plus avoir cours et l’industrie est de nouveau perçue comme une source essentielle de la croissance économique, pourvoyeuse d’emplois pérennes.

En effet, le constat est sans appel : les pays qui se portent le mieux sur le plan économique sont ceux qui bénéficient d’un tissu industriel fort ; c’est vrai en Europe comme dans les pays émergents. Par là même, ce sont aussi ceux qui ont les taux de chômage les plus bas.

Force est de constater que la France n’est plus dans le peloton de tête. Pour ma part, j’identifierai quatre raisons à la fois culturelles et structurelles qui expliquent cette situation.

Premièrement, nous n’avons pas su anticiper l’évolution du capitalisme. M. Gérard Longuet a abordé ce point tout à l’heure. Au capitalisme de production, des années de croissance à deux chiffres, qui a permis l’expansion de notre économie et le plein-emploi, a succédé, depuis la fin du XXe siècle, un capitalisme de spéculation, qui est souvent générateur d’exclusion et de délocalisations. Nous avons ainsi perdu des pans entiers de notre outil de production. Il est donc urgent de déplacer le curseur de la fiscalité au profit du secteur productif.

Deuxièmement, notre société n’aime pas beaucoup l’entreprise et l’entrepreneur. La France, peut-être davantage que d’autres pays, notamment l’Allemagne, n’a pas une bonne image de l’entreprise et de l’entrepreneur. En effet, si ce dernier réussit, il est souvent objet de suspicion et de contrôles en tout genre.

De plus, notre société n’a d’yeux que pour les cols blancs, rejetant très souvent les cols bleus. De ce fait, notre système éducatif hiérarchise les voies de formation, réservant essentiellement les voies professionnelles et l’apprentissage aux jeunes en situation d’échec.

Comment s’étonner que le taux de chômage des jeunes dépasse depuis des décennies les 20 %, alors qu’il est, si j’ose dire, de seulement 7 % en Allemagne et que des entreprises du secteur industriel ne trouvent pas le personnel qualifié dont elles ont besoin ?

Troisièmement, on observe, si l’on considère le profil de notre tissu industriel, un trop petit nombre d’entreprises de taille intermédiaire et un manque d’investissements en recherche et développement.

Notre tissu industriel est composé, d’un côté, de grands groupes, dont la situation est contrastée – certains enregistrent des résultats positifs, alors que d’autres, en particulier dans le secteur automobile, rencontrent de grandes difficultés –, et, d’un autre côté, de nombreuses PME et TPE.

Mon département, par exemple, concentre plus de 800 entreprises du secteur de la mécanique et d’activités connexes. Ces PME et TPE remplissent parfaitement leur fonction de production, mais, du fait de leur structure, elles n’ont pas les moyens nécessaires pour investir dans la recherche et développement et dans la commercialisation.

Par ailleurs, lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes de transmission, elles sont reprises par des groupes étrangers. C’est non pas l’étranger en tant que tel qui m’inquiète, mais bien l’étranger à la culture de l’entreprise. En effet, les repreneurs se comportent le plus souvent en financiers plus qu’en chefs d’entreprise, ne se souciant que du haut de bilan.

Parallèlement, nous accusons un déficit important pour ce qui concerne les entreprises de taille intermédiaire, notamment par rapport à l’Allemagne. Pourtant, les ETI conjuguent à la fois réactivité, capacité à conquérir des marchés extérieurs et innovation.

Or l’innovation est incontestablement l’un des facteurs les plus importants de la compétitivité industrielle sur le marché mondial. Force est de constater les faiblesses françaises en la matière. Tous secteurs confondus, la France ne dépose que 304 brevets par an et par million d’habitants, contre 579 pour l’Allemagne, soit 48 % de moins.

Les entreprises allemandes investissent beaucoup plus dans la recherche et le développement : 38, 7 milliards d’euros, contre 14, 1 milliards d’euros en France.

Quatrièmement, le coût du travail est trop élevé. Chacun le sait, c’est l’un des principaux handicaps de l’économie française. De fait, les charges sociales pèsent lourdement sur les emplois français : elles représentent un coût de 15, 3 milliards d’euros. Ainsi une PME française, dans la concurrence mondiale, part avec un handicap de 14 points par rapport à ses homologues allemands.

Pourtant, la France dispose d’atouts non négligeables : une compétitivité comparable à celle qui est observée outre-Rhin, une bonne productivité du travail et des performances encore remarquables dans certaines niches à l’export.

Face à cette situation, nous devons, si nous voulons développer notre tissu industriel, privilégier quatre axes.

D’abord, il faut redonner à nos compatriotes l’esprit d’entreprendre, et faire confiance aux entrepreneurs plutôt que les suspecter.

Ensuite, nous devons adapter notre système éducatif au projet du jeune, certes, mais surtout aux besoins de notre tissu industriel.

Par ailleurs, il est nécessaire de réduire les charges fiscales et sociales pesant sur nos entreprises.

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