Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 20 février 2013 à 14h30
Débat sur l'avenir de l'industrie en france et en europe

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial :

Ce sont, monsieur le ministre, des centaines d’emplois qui seront fragilisés, voire, pour un certain nombre d’entre eux, détruits, si ces deux projets de centrale devaient être menés à terme.

Je vous interpelle parce que cette situation, parfaitement connue, semble être vécue par les autorités comme une fatalité, alors qu’elle n’a encore rien d’irréversible.

Mais ce sujet, pour important qu’il soit, ne saurait m’écarter du thème central que je souhaite aborder, à savoir la filière industrielle, plus particulièrement la filière électro-intensive.

On connaît votre engagement pour l’industrie et j’ai pu mesurer votre détermination, dont je vous sais gré, en faveur de la filière aluminium, avec la situation particulière de Rio Tinto Alcan, anciennement Pechiney. Je ne tenterai donc pas de vous convaincre de la nécessité de défendre notre industrie et de l’importance du secteur des électro-intensives, qui représente des dizaines de milliers d’emplois, davantage encore avec le secteur aval.

La France, qui, avec le nucléaire, disposait d’une énergie à bas coût et d’un modèle lui permettant de répondre avec succès aux besoins de son industrie, se trouve aujourd’hui concurrencée par tous les grands pays industriels qui ont fait de l’énergie, pour l’essentiel très carbonée, leur arme industrielle.

L’exemple d’actualité est bien évidemment celui des États-Unis, avec le gaz de schiste.

Le paradoxe, c’est que l’Allemagne, qui faisait jeu égal avec la France voilà quinze ans et qui a su conserver son potentiel industriel tandis que le nôtre se réduisait de moitié, a su maintenir sa position avec une énergie dont le coût était plus élevé qu’en France, mais qui était mise à la disposition de son industrie à un prix plus bas.

Y a-t-il une fatalité ? Non ! Mme Batho a invité au débat national de la transition énergétique Peter Altmaier, ministre fédéral allemand de l’environnement. Je la félicite de cette initiative et conseille à tous de prendre connaissance avec la plus grande attention de la déclaration qu’a faite celui-ci. Parmi les cinq priorités des politiques de transition énergétique allemandes, j’en retiens une, qui est parfaitement claire : les compensations financières pour les industries électro-intensives.

Un seul exemple illustre cette démarche volontariste. La France a intégré dans la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », pour les gros consommateurs, le dispositif de l’effacement et du marché capacitaire, qui, pour être opérationnel, nécessite que soit mobilisé un budget. Or, en un an, les Allemands ont adopté ce même mécanisme d’effacement, dont ils attendent 3 000 mégawatts pour 2014, et lui ont consacré un budget de 350 millions d’euros, en qualifiant clairement celui-ci de « subvention à l’industrie ».

L’industrie française, qui représentait 36 % de la consommation d’électricité dans les années quatre-vingt, n’en représente plus que 21 % à ce jour, soit 125 térawatts, dont environ 70 pour les électro-intensives.

Les besoins qu’a l’industrie d’une énergie à un prix compétitif sont-ils en contradiction avec le mix énergétique et l’apport massif des énergies renouvelables ? Non, bien au contraire, j’en ai la conviction.

Si le nucléaire constitue un avantage avec une base à faible coût, les énergies renouvelables nécessitent régulation et équilibre, mais, en même temps, elles peuvent offrir, à un certain moment, une énergie à un coût marginal.

De toute évidence, la transition énergétique impose un nouveau modèle économique qui repose sur la contribution à la régulation et à l’équilibre de la production, qui peut être à la fois la réponse à l’usage des énergies renouvelables et la réponse aux besoins de l’industrie, tout particulièrement des industries électro-intensives.

Si j’ai volontiers évoqué le modèle allemand, ce n’est pas pour en faire un exemple, car je suis convaincu qu’un nouveau modèle est à construire. Néanmoins, la pratique allemande pose des prémisses. Elle nous impose de travailler à un modèle européen, de lui donner un cadre législatif solide et une force économique qui permette à l’Europe de défendre son industrie face à des productions mondiales qui auront toutes un jour à relever le défi des politiques décarbonées.

Ces choix sont urgents. Pour la première année, la France, qui était exportatrice nette d’électricité vers l’Allemagne, est devenue largement importatrice. Par ailleurs, les industries électro-intensives arrivent au terme de leur contrat d’approvisionnement électrique à bas coût.

Le débat national sur la transition énergétique est une vraie opportunité, et je remercie Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, d’avoir saisi Mme Delphine Batho afin que l’enjeu industriel soit pris en compte.

Le marché du charbon et de l’acier a été à l’origine d’une Europe qui s’est bien peu préoccupée de son industrie depuis. Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas que la transition énergétique soit l’occasion de créer l’Europe de l’énergie pour sauver notre industrie et lui donner toute sa place dans un débat auquel, à ce jour, elle n’a pas beaucoup été associée ? §

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