Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la prise en compte des langues et cultures régionales dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Je tiens à insister sur la continuité de notre action en ce domaine. Notre pays se livre en effet à un effort constant pour assurer la diffusion des langues et cultures régionales. Ainsi, c’est au plus haut niveau de l’ordre juridique interne que les langues régionales ont été consacrées : selon l’article 75-1 de la Constitution, elles « appartiennent au patrimoine de la France ». Je me souviens, d’ailleurs, de la bataille considérable qu’avait été la discussion à l’Assemblée nationale de la révision constitutionnelle, une partie des élus, notamment ceux que j’appellerai les moins progressistes, s’étant opposés à l’insertion des dispositions relatives aux langues régionales à l’article 1 de la Constitution. Au moins sont-elles consacrées aujourd'hui dans l’article 75-1 !
La loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation et la loi du 24 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ont affirmé la possibilité pour les élèves qui le souhaitent de suivre un enseignement de langue régionale dans les régions où celles-ci sont en usage. Dans ces régions, la promotion et le développement des langues et cultures régionales sont le plus souvent encadrés par des conventions liant l’État et les collectivités territoriales. Ce mode de collaboration doit être généralisé.
Cet engagement fort et constant de l’État comme des collectivités territoriales permet aujourd’hui à environ 272 000 élèves, répartis dans treize académies, de pratiquer ou d’être sensibilisés à l’une des onze langues régionales reconnues. Ainsi, entre 2009-2010 et 2011-2012, le nombre d’élèves marquant un intérêt pour les langues et cultures régionales a augmenté de 24 %.
Je me suis récemment rendue en Guyane, où environ 80 % des enfants parlent une langue différente du français avant d’aller à l’école et où des intervenants en langue maternelle épaulent les instituteurs à la maternelle. On constate que permettre à ces enfants de parler dans leur langue maternelle tout en étant scolarisés dans des établissements dont la langue est le français est bénéfique, notamment parce que leur dignité s’en trouve préservée. Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous partageons votre position sur l’importance des langues régionales à l’école !
Les chiffres que j’ai cités démontrent l’intérêt de nos concitoyens pour la valorisation du patrimoine culturel et régional, qui ne saurait être négligé par l’État.
Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ne fait pas référence aux langues régionales ou minoritaires. En effet, avec cette nouvelle loi, qui complète et précise les précédentes, le Gouvernement a fait le choix de privilégier certains objectifs, en fixant un nombre limité de priorités, indispensables à la refondation de l’école.
Vous le savez, monsieur le sénateur, le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel nous oblige à être extrêmement attentifs. Il ne s’agit pas qu’une loi répète des dispositions déjà contenues dans un autre code, ou qu’elle édicte des normes non pas législatives mais réglementaires. Cela exposerait le texte à la censure du Conseil. C’est la raison pour laquelle il n’a pas semblé utile d’introduire dans cette loi des mentions qui figuraient déjà dans le code de l’éducation.
Par ailleurs, la problématique des langues régionales dépasse le seul cadre de l’éducation nationale. La question de la ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires est toujours à l’étude. Je ne doute pas qu’il y aura sur ce point des avancées significatives.
Nous aurons sans doute l’occasion de reparler de ces questions au cours du débat parlementaire qui va s’engager sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Il faudra donc trouver un moyen de prendre en compte votre préoccupation, sans que cela ne conduise à fragiliser la future loi.