Intervention de Manuel Valls

Réunion du 19 février 2013 à 9h30
Questions orales — Application du principe de laïcité dans le sport

Manuel Valls, ministre de l’intérieur :

Monsieur le sénateur, ma collègue Valérie Fourneyron vous prie de bien vouloir excuser son absence. C’est avec beaucoup de plaisir que je vais moi-même répondre à votre question, car je connais vos convictions. Sachez que, ces convictions, nous les partageons.

La décision prise l’été dernier par la FIFA est un important – et inquiétant ! – changement de doctrine. Depuis, cette association a décidé qu’une période de test serait ouverte, jusqu’en mars 2014, pour permettre aux joueuses voilées de participer aux compétitions internationales, alors qu’elles en étaient jusqu’à présent exclues.

Cette décision heurte la conception française de la neutralité dans la pratique sportive, qui implique non seulement l’absence de discrimination, mais aussi la discrétion et l’impossibilité d’arborer des signes politiques ou religieux sur un terrain de sport.

Cette conception, qui correspond aussi à ma conviction personnelle, n’est pas seulement celle de la France. Elle puise son origine, me semble-t-il, dans des valeurs universelles, qui tendent à séparer l’État des religions et, surtout, à permettre aux femmes de s’émanciper. Il n’est pas question de les recouvrir d’un voile les différenciant du reste de l’humanité !

Le sport est précisément porteur de valeurs morales, d’humanité, de fraternité, d’intégration, de mixité. C’est ainsi qu’il restera un vecteur incontournable d’éducation à la citoyenneté et d’apprentissage du vivre-ensemble. C’est vrai aussi au niveau international.

J’étais tout à l’heure au comité interministériel des villes. Élu de la banlieue parisienne, je connais la chape de plomb, faite de machisme et de conservatisme, qui pèse sur certains quartiers, au détriment notamment des jeunes filles, qui peuvent s’émanciper d’abord par l’école, mais aussi par le sport.

Le Gouvernement a soutenu la décision de la Fédération française de football, qui, vous le savez, dispose d’une délégation de la part de l’État pour édicter les règles techniques propres à ce sport pour les compétitions nationales, de refuser aux joueuses le port du voile dans les compétitions nationales. Nous devons évidemment veiller à ce qu’une telle interdiction n’écarte pas certaines catégories de population de la pratique sportive, mais sans transiger sur nos convictions.

Il faut faire en sorte que les athlètes français restent un exemple pour notre jeunesse, en s’inscrivant pleinement dans les principes de la Charte olympique. Il ne peut pas y avoir de démonstration ou de propagande politique ou religieuse – pour ma part, je crois qu’il s’agit avant tout de propagande politique – sur un site sportif ou olympique.

Ce n’est pas un sujet facile. La laïcité, fruit de l’Histoire et garantie de paix et de concorde civile, crée des limites à l’expression d’une préférence religieuse. La loi les a clairement fixées pour les agents publics et pour les écoliers, collégiens et lycéens des établissements d’enseignement public. Mais il y a d’autres domaines où l’équilibre entre la liberté de croire et le principe de laïcité n’est pas clairement défini. La pratique sportive en est parfois un.

L’observatoire de la laïcité dont le président de la République a annoncé la mise en place le 9 décembre dernier pourra se saisir de ce sujet délicat et contribuer au débat important du champ d’application de la laïcité sur l’espace public.

Des lois importantes ont été adoptées ; je serai évidemment très vigilant quant à leur application.

Monsieur Mézard, je crois, comme vous, que la laïcité reste un combat profondément moderne, adapté à notre temps et porteur d’espoir partout où les femmes se battent pour leur dignité.

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