Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 19 février 2013 à 14h30
Débat sur la politique étrangère

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Je me concentrerai donc sur deux sujets.

J’évoquerai d’abord la Turquie, d’où je reviens. C’est un allié économique et stratégique important. Votre rencontre de la semaine dernière avec votre homologue a permis une avancée sur la question de l’adhésion, monsieur le ministre.

Nous constatons que ce pays réalise des progrès importants s’agissant des critères de convergence. Ce n’est pas notre excellente collègue Josette Durrieu, rapporteur de ce dossier pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui me démentira.

Monsieur le ministre, quelles sont les perspectives en matière d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ?

La Turquie ayant une frontière commune avec la Syrie, j’en viens naturellement à mon second sujet.

La situation syrienne a des conséquences bien inattendues sur un territoire qui m’est cher : le Caucase du Sud.

En effet, les Arméniens de Syrie se réfugient en Arménie et se voient dirigés vers des territoires bien spécifiques : les territoires occupés d’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh, mais aussi dans les régions de Lachin et Kelbadjar, en dehors du Haut-Karabagh.

Une telle politique à l’égard des réfugiés syriens d’origine arménienne doit être condamnée, car elle constitue une violation du droit international humanitaire, y compris de la quatrième convention de Genève.

Ses tentatives pour modifier artificiellement l’équilibre démographique dans les territoires occupés d’Azerbaïdjan montrent une fois de plus l’attitude pour le moins négative de l’Arménie et son intention non seulement de consolider les résultats d’une agression, reconnue comme telle par toutes les organisations internationales, contre ce pays, mais aussi de faire perdurer une situation déjà très difficile, marquée par l’impasse du processus de négociations dans lequel est entré le groupe de Minsk.

Par ailleurs, la situation dans cette partie du Caucase est particulièrement inquiétante. Au lendemain d’élections qu’il serait pour le moins exagéré de qualifier de « démocratiques », les autorités arméniennes ont annoncé l’ouverture de l’aéroport de Khodjaly. C’est non seulement un coup sans précédent porté au processus de paix engagé dans le cadre du groupe de Minsk, mais aussi une atteinte à un statu quo auquel la France doit veiller. C’est également une provocation, à la veille du vingt et unième anniversaire du massacre de Khodjaly, qui est l’Oradour-sur-Glane de cette malheureuse région.

Le France, en tant que coprésidente du groupe de Minsk, n’a jamais reconnu la république fantoche du Haut-Karabagh, pas plus que l’Arménie, d’ailleurs. Elle doit absolument faire respecter le statu quo.

Bien entendu, ce conflit gelé du Caucase ne fait pas la une des journaux. Mais il risque d’accroître les facteurs de déstabilisation de toute la zone, si l’on y ajoute les renversements d’alliances énergétiques et de transport de la Géorgie et de son nouveau gouvernement, malgré les affirmations réitérées d’arrimage à l’OTAN.

La Russie va prendre toutes ses marques dans un Caucase qu’elle considère depuis toujours comme étant sien. De l’Abkhazie à l’Ossétie, des changements d’alliances en Géorgie en passant par une gestion de fait de l’Arménie, l’Azerbaïdjan restera le seul pays allié sûr dans la région. Je le rappelle, bien que membre de l’Organisation de la coopération islamique, ce pays entretient des relations diplomatiques avec Israël et maintient un multiculturalisme absolu. J’ajoute – malheureusement, Laurence Rossignol n’est pas là – que les femmes y jouissent du droit de vote depuis 1918 !

Monsieur le ministre, il faut absolument être attentif à cette zone. Votre visite en Azerbaïdjan serait évidemment un signe fort pour ce partenaire important de la France, trop souvent soumis à des jugements hâtifs et aux foudres d’une diaspora arménienne active, voire activiste.

Je termine en saluant votre action dans ce beau ministère, qui est sorti grâce à vous des brumes dont vos prédécesseurs l’avaient entourée.

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