Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les interventions en Libye et au Mali sont des succès opérationnels de l’armée française. Le groupe UDI-UC tient à saluer les efforts et les sacrifices de nos militaires, et particulièrement à rendre hommage au sous-officier du groupe de commandos du 2e régiment étranger de parachutistes de Calvi qui vient d’être tué au Mali.
Un des ressorts de cet engagement est la lutte contre une économie criminelle, faite de trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains, qui comble l’absence d’emplois pour des jeunes à la recherche de gains élevés et rapides.
Autour de cette lutte se dessine un enchevêtrement de logiques géopolitiques. Si la France est assez isolée dans son intervention, elle le sera beaucoup moins quand il s’agira de bénéficier des retombées économiques. Nous avons réagi à une actualité brutale, mais avons-nous prévu une stratégie globale sur le plan économique ? Avons-nous anticipé les opportunités que présentera la reconstruction de la société civile et démocratique en Libye et au Mali ?
Le sous-sol saharien renferme de nombreuses matières premières, du pétrole, du gaz naturel, des minerais. Sous l’effet de la mondialisation, les ressources naturelles de la planète deviennent l’objet de multiples convoitises.
Le groupe français Areva a perdu l’exclusivité dont il bénéficiait pour l’exploitation des mines d’uranium au Niger, avec l’intrusion des États-Unis et du Canada, mais surtout de la Chine, qui pratique la diplomatie du cadeau.
En Libye, deuxième producteur de pétrole en Afrique, l’extraction et le raffinage assurent 90 % des revenus du pays. Selon le modèle envié des pays du Golfe, cet État aura sans doute à cœur de rattraper son retard économique et touristique.
La France marque régulièrement sa présence politique sur ce territoire. Monsieur le ministre, vous venez d’adopter un plan de travail promouvant la sécurité et visant à l’instauration de l’État de droit en Libye, phase préalable au développement économique. J’ai bien noté la participation française aux prochains salons commerciaux thématiques libyens dans les domaines du bâtiment, des infrastructures, des hôpitaux, de l’immobilier, mais très peu de nos ressortissants sont présents dans ce pays.
Aujourd’hui, force est de constater que la présence de la France à l’étranger est sans prévalence particulière. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Espagne partagent ce rayonnement, sans exercer plus d’influence. Sur le plan économique, la Chine prédomine.
Si les réformes intervenues dans les États touchés par le printemps arabes n’ont pas répondu aux aspirations des peuples et posent un véritable problème au regard de l’équilibre diplomatique méditerranéen, la Libye peut néanmoins devenir une nouvelle terre d’échange pour le développement du commerce et de l’industrie française.
La France a été capable de déployer et de coordonner un dispositif militaire aérien international, mais n’est manifestement pas encore prête à ouvrir une ligne aérienne civile entre Paris et Tripoli. Ce fait n’a rien d’anecdotique ; les Italiens et les Allemands, quasiment absents du conflit, disposent aujourd’hui de liaisons aériennes régulières avec la Libye, qui leur permettent d’investir et d’entreprendre. Pourquoi la France ne participe-t-elle pas à cette dynamique ?
Avant notre intervention, la Libye représentait près du tiers de notre approvisionnement en pétrole. Ce pays aux portes de la Méditerranée, au croisement du Maghreb, de l’Orient et du Sahel, est riche de potentialités pour nos entrepreneurs. La France doit pouvoir y jouer de son aura, liée au rôle spécifique qu’elle a tenu récemment.
En 2012, le taux de croissance libyen a été de 122 %, à la suite du redressement spectaculaire de l’industrie du gaz et du pétrole. En 2013, la croissance de ce pays devrait retrouver une vitesse de croisière, en s’établissant à 16, 5 %.
Sommes-nous impliqués dans le développement de réseaux de distribution d’eau ou d’électricité, de routes ? Avons-nous des perspectives pour l’exportation de nos voitures, de nos Airbus, de notre savoir-faire touristique et culturel, ou est-ce encore un peu trop tôt ?
Le président Hollande, accompagné d’une importante délégation, s’est rendu en Algérie, pays qui entend être la puissance hégémonique au Maghreb et au Sahel. Plus de la moitié de ses échanges commerciaux se font avec l’Europe, mais de moins en moins avec la France. A-t-on d’ores et déjà pu enregistrer des retombées économiques positives à la suite de ce voyage ?
Dans le même ordre d’idées, la France s’est fortement impliquée en Côte d’Ivoire. Pourtant, dans ce pays, nombre de PME françaises sont passées entre les mains de ressortissants libanais.
La vague de démocratisation de l’Afrique subsaharienne conduit à une plus grande ouverture des économies au marché, à un recul de l’inflation et à une discipline budgétaire accrue des pays de cette région. Une meilleure éducation, un système de santé efficace, une réduction de la dépendance et des perspectives d’emploi réalistes, en particulier pour les jeunes, sont, à long terme, les seules bases sûres d’une prospérité durable de l’Afrique.
Or, dans beaucoup de ces domaines, la France dispose d’atouts pour nouer des liens solides avec ce continent d’avenir. Il convient de restaurer la prospérité d’une rive à l’autre de la Méditerranée.
Pour ma part, je suis pour une France de la générosité, mais pas de la naïveté. Doit-on se satisfaire d’intervenir militairement en Afrique, d’y réaliser des coups d’éclat sans préparer et prévoir, dans le même temps, une stratégie de développement de nos échanges commerciaux qui soit favorable au développement des PME et PMI françaises ? À mon sens, le volet humanitaire est important, mais le développement des échanges économiques doit également être un des objectifs à atteindre.
Quels sont les projets de développement avec les pays d’Afrique, au-delà des réflexes liés à l’amitié entre ce continent et la France ? Le Président de la République a fait l’éloge de la démocratie et de la vitalité en Afrique ; comment allons-nous passer des discours aux actes et faire des pays africains de véritables partenaires, dans un esprit de réciprocité ? Tel est le défi qu’il nous faut relever ! §