député, président du conseil général de l'Essonne, représentant de l'Assemblée des départements de France . - J'ai grand plaisir à être ici, au Sénat, où j'ai été, jadis, l'assistant parlementaire d'un sénateur devenu illustre. Je suis ici en qualité de vice-président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des départements de France et à la demande de Claudy Lebreton. Par honnêteté, disons d'emblée que celle-ci n'a pas pris position sur le projet de loi ; cela découle de son fonctionnement consensuel. Quel est l'impact de ce texte sur les conseils généraux ? Il concerne principalement le volet « adoption », celui du mariage relevant plutôt des maires.
Les conseils généraux sont chargés de la délivrance de l'agrément, en vue d'une adoption, suivant un processus que nous connaissons. Avec la future loi, les personnes de même sexe pourront formuler une demande dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels. Pas de dispositif spécifique donc, puisque le fil rouge de ce texte est l'égalité. Les critères de droit commun fixés par le code de l'action sociale et des familles s'appliqueront. Une seule question : les conditions d'accueil, familiales, éducatives, psychologiques, correspondent-elles aux besoins et à l'intérêt de l'enfant ? C'est sur ces seuls critères que pourra se faire l'appréciation.
L'enjeu n'est pas nouveau puisque la réforme de 1966 a ouvert la faculté d'adopter aux personnes seules. Des personnes homosexuelles en usent, sans mettre en avant le fait qu'elles vivent en couple, même si les services le devinent parfois.
Dans un arrêt du 22 janvier 2008, qui mettait en cause le conseil général du Jura, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé au nom du principe de non-discrimination, qu'il ne pouvait y avoir refus d'agrément en raison de l'orientation sexuelle du couple. Depuis, beaucoup de conseils généraux se sont emparés du sujet pour s'assurer qu'il n'y a pas discrimination, franche ou insidieuse, arguant de l'« environnement familial ».
Il faut néanmoins sortir de cette situation hypocrite et bancale, où les demandeurs homosexuels sont incités, dans un grand moment de vérité, au déni de leur vie de couple. J'ai voulu, comme président du conseil général, inverser résolument la tendance, pour que l'évaluation de la capacité des requérants ne soit pas déconnectée de leur environnement. Je l'ai clairement revendiqué en juillet 2011 dans un dossier où la requérante avait fait état de sa vie en couple homosexuel, avec une femme qui avait elle-même un enfant. En reconnaissant le mariage de ces couples, on met fin à l'hypocrisie.
Après être intervenu dans le débat de manière tonitruante, j'ai proposé à l'ADF une charte de l'adoption sans discrimination, qui a débouché à Evry, en avril 2012 sur un colloque « Adoption et homoparentalité », dont les actes sont accessibles sur Internet. Nombre des intervenants sont ceux que vous allez entendre sur ce texte.
Le cumul, temporaire dans mon cas, puisque je siège à l'Assemblée nationale comme suppléant, m'a donné l'occasion d'assister à 109 heures de débat. Toutes ces questions n'y ont que peu été abordées, si ce n'est pour s'interroger sur une éventuelle augmentation des demandes d'agrément. Il faut ici raison garder. La loi, qui va légaliser des situations de fait, se traduira surtout par des adoptions intrafamiliales. Quant aux adoptions internationales, les couples de même sexe sont lucides sur les risques de se voir opposer une fin de non recevoir par bien des pays comme l'Ukraine, la Russie, la Chine ou Haïti. Il n'y aura pas d'appel d'air : ce n'est pas cela qui menacera l'équilibre financier de nos conseils généraux.