Intervention de Dominique Bertinotti

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 février 2013 : 1ère réunion
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice et Mme Dominique Bertinotti ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé chargée de la famille

Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale - Christiane Taubira le soulignait en conclusion de son intervention -, nombre de questions allant au-delà même du contenu du texte qui vous est soumis ont été évoquées.

Je prends cette interpellation comme le signe du très vif intérêt que les parlementaires portent à l'évolution des familles dans la société française. En effet, il s'est opéré, depuis les années soixante-dix, une révolution silencieuse qui fait que, aujourd'hui, il n'y a plus un modèle familial unique mais des modèles familiaux que les statistiques, dans leur brutalité, révèlent : un enfant sur deux naît hors mariage ; un enfant sur quatre ne vit plus avec ses deux parents ; un enfant sur cinq vit dans une famille monoparentale et un enfant sur neuf vit dans une famille recomposée.

Si je vous dis cela, c'est parce que le projet de loi, contrairement à ce qu'il a pu être dit, est aussi l'expression d'une revendication de la capacité à fonder une famille quelle que soit sa sexualité. A ce titre, comme le disait Mme la garde des sceaux, il est marqué par le sceau de l'égalité. En ce sens, il suppose non seulement une égalité des droits, mais aussi des devoirs. Cette aspiration à entrer dans une norme, en l'occurrence une norme juridique, a conduit cette revendication à se traduire aujourd'hui dans le cadre du projet de loi.

Je tiens aussi à dire que le projet de loi s'inscrit à la fois dans la lignée des réformes qui ont marqué le droit de la famille et dans la lignée des réformes qui ont concerné l'homosexualité. De la suppression d'un délit en 1981, on est passé à la création du PACS. D'ailleurs, n'oublions jamais que 96 % des PACS sont aujourd'hui conclus par des couples hétérosexuels. On voit donc bien que toute loi d'égalité est une avancée pour l'ensemble de la société.

Un autre point que je voudrais aborder, et qui l'a également été par Christiane Taubira, c'est le fait que le projet de loi est un texte de sécurisation juridique et de protection. Ce qui est réclamé, c'est aussi la volonté d'être protégé.

Nous n'avons aucun jugement de valeur à porter : le fait est qu'il y a, peu importent les chiffres, entre 40 000 et 300 000 enfants qui vivent dans des familles homoparentales dont on sait, en fait, qu'un seul des deux parents est aujourd'hui reconnu. On place donc ces enfants dans une situation d'insécurité et de précarisation en cas d'accident ou de décès de son parent biologique.

Il s'agit donc d'une loi d'égalité et de protection juridique. Le projet de loi ne crée pas de situation nouvelle ; il ne fait, au fond, que conforter et entériner des situations déjà existantes. Il est certes ouvert aux couples de même sexe, mais, d'une façon générale, il fait avancer l'ensemble de la société.

Les questions liées à la filiation qu'a soulevé le débat - qu'il s'agisse de la filiation biologique ou de la filiation sociale - ou celles liées au statut de parent social témoignent qu'il existe une véritable appétence pour que soit prise en compte, avec lucidité, l'évolution de nos familles dans leur très grande diversité.

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