Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 février 2013 : 1ère réunion
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice et Mme Dominique Bertinotti ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé chargée de la famille

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Ma question n'a rien d'original. Elle porte également sur la PMA et la GPA, qui sont un peu ce qu'était l'Alsace-Lorraine entre 1871 et 1914 : « Y penser toujours, n'en parler jamais. »

A l'instar de M. le rapporteur, j'évoquerai les auditions des professeurs de droit que nous avons réalisées. Mes chers collègues, comme nous étions alors bien moins nombreux qu'aujourd'hui, je n'aurai pas trop de scrupules à vous lire une partie du compte rendu de leurs propos, qu'il s'agisse de M. Daniel Borrillo, lequel s'est clairement déclaré favorable à cette réforme, ou de M. Jean Hauser, plus réservé en la matière.

Selon M. Borrillo, « l'égalité suppose l'accès à toutes les formes de filiation pour tous les couples, ce qui comporte l'accès à la PMA ». Et il ajoutait : « Je suis également favorable à l'accès à la GPA pour tous les couples, comme l'avait proposé un rapport du Sénat en 2008 pour les couples hétérosexuels. »

Il poursuivait : « La discrimination actuelle est fondée sur l'argent : les femmes seules ou les couples homosexuels qui ont de l'argent peuvent aller en Belgique ou aux Etats-Unis : en Californie, une GPA revient à 40 000 dollars. Ceux qui ne les ont pas restent dans le cadre strict de la loi française. »

Que dit M. Hauser ? Il constate que « le marché de l'adoption est à peu près asséché » et en conclut que « si ces couples nouveaux qui veulent adopter veulent obtenir des enfants, inévitablement ils vont chercher à les faire eux-mêmes en recourant à la procréation médicalement assistée. Je ne suis pas un fanatique de la modification de la loi sur la PMA, mais elle sera inéluctable [...] ».

« Autre exemple : l'insémination artificielle avec donneur serait autorisée dans les couples de femmes. Soit, mais on sort alors du cadre de la stérilité pathologique. On entre pour ce type de couples dans la PMA de convenance. [...] Comment la refuser aux autres ? Comment expliquer que nous sortons de la PMA pour raison médicale pour les uns et pas pour les autres ? Pourquoi ne pas ouvrir, comme dans certains Etats américains, la PMA de convenance pour tout le monde ? »

S'agissant de la GPA, il nous dit que « l'enfant n'est pas le cheval de Troie des fraudes à la loi. » Il ajoute : « Quant à la gratuité, c'est une plaisanterie. Il y aura bien quelques grands-mères, quelques soeurs, puis, très vite, il y aura une rémunération [...] ».

Pour ma part, je suis de ceux qui n'ont vraiment aucune hostilité, bien au contraire, au mariage entre personnes du même sexe. A mes yeux, c'est une liberté supplémentaire, un droit de plus, que l'on accorde aux uns sans retirer quoi que ce soit aux autres. Cependant, si j'accepte à la fois le mariage pour tous et l'adoption pour tous, je serai inéluctablement amené, selon des autorités juridiques de tendance différente, à accepter la PMA et la GPA par simple convenance, à savoir une certaine forme de marchandisation des corps, ce que je refuse.

Comment peut-on faire, mesdames les ministres, pour éviter un tel engrenage ?

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