Intervention de Christiane Taubira

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 février 2013 : 1ère réunion
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice et Mme Dominique Bertinotti ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé chargée de la famille

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs.

Monsieur Gélard, vous avez éveillé notre curiosité, peut-être même notre gourmandise, en nous promettant que l'UMP ferait des propositions. Nous les attendons bien sûr avec la plus grande impatience.

Vous avez exprimé la conviction selon laquelle il convient de revoir le système de l'adoption. Votre avis est manifestement partagé. Notre droit de l'adoption, il est vrai, a été construit par paliers, en tenant compte de ce que les juristes appellent la vérité sociologique, qui me paraît extrêmement importante. A une certaine époque, par exemple, l'adoption a été ouverte aux personnes célibataires, la réalité sociologique du pays justifiant que l'on permette à des femmes seules, notamment, d'adopter des enfants, en respectant certaines conditions.

La loi relative à l'adoption a été modifiée, enrichie, notamment en 1966, afin de bien définir l'adoption plénière et d'en déduire l'adoption simple. Je partage très volontiers l'idée qu'il faudrait peut-être repenser dans sa cohérence et son intégralité notre droit de l'adoption. C'est un chantier que nous aurons l'audace d'ouvrir prochainement.

Vous avez évoqué, en égratignant le ministère des finances, qui a le malheur d'être toujours à la recherche de recettes supplémentaires, un régime différencié entre les héritiers ayant bénéficié d'une adoption plénière et ceux qui ont fait l'objet d'une adoption simple. Dans le premier cas, l'exonération des droits de succession peut atteindre 650 000 euros, alors que ces droits sont majorés pour l'héritier par adoption simple. Il faut également savoir que la sécurité juridique de l'adoption simple est moindre, puisqu'elle peut notamment être résiliée. Tout cela plaide en faveur de la révision en profondeur du droit de l'adoption.

Reprenant mon propos introductif, vous m'avez également demandé, monsieur Gélard, quelles dispositions de ce texte seraient favorables aux couples hétérosexuels. Je peux vous en citer deux.

Il s'agit, tout d'abord, de la mesure visant à élargir à la résidence des parents des futurs conjoints ou conjointes les lieux de célébration du mariage. C'est une disposition qui, adoptée voilà deux ans dans un texte sur le contentieux, avait été censurée par le Conseil constitutionnel.

Pour dire les choses très clairement, le Gouvernement était réticent à une telle extension, parce qu'il craignait qu'elle ne soit considérée comme un assouplissement permettant aux maires de refuser de célébrer les mariages des couples de même sexe. Le Gouvernement s'étant très clairement engagé à ouvrir l'institution du mariage en tant que telle, avec ses obligations, ses droits, ses sécurités et ses protections, mais aussi avec sa charge symbolique, aux couples de même sexe, il ne voulait pas envoyer un signal contradictoire.

Cette disposition a donné lieu à de longs débats. C'est d'ailleurs un amendement de l'opposition, sous-amendé, qui a été adopté. Il est précisé que seuls les futurs époux peuvent demander à faire célébrer leur mariage dans le lieu de résidence de leurs parents. Le maire ne peut donc refuser de célébrer un mariage en s'appuyant sur cette disposition. Un tel aménagement profitera aux couples hétérosexuels.

Il s'agit, ensuite, d'une disposition relative à l'adoption : nous avons souhaité permettre l'adoption plénière d'un enfant déjà adopté par adoption simple. De même, nous permettons l'adoption simple d'un enfant qui a déjà fait l'objet d'une adoption plénière.

Ces dispositions, que nous avons introduites dans ce texte, serviront aussi aux couples hétéroparentaux qui adoptent des enfants. Ce ne sont là que des exemples, mais, je le répète, nous ne retirons rien aux couples hétérosexuels. Une réflexion est possible sur la disposition générale concernant le nom patronymique, mais ce n'est ni un retrait ni une soustraction. En revanche, incontestablement, ces deux dispositions serviront également aux couples hétérosexuels.

Monsieur Leconte, vous avez fait référence à la dérogation à la loi personnelle. Il ne s'agit pas pour des étrangers de venir se marier en France par convenance, dans la mesure où la condition de résidence est réaffirmée dans le texte de loi. Un étranger pourrait épouser un Français dès lors qu'il aurait sa résidence régulière en France. Lors des débats, des interrogations se sont effectivement fait jour sur les risques de « tourisme nuptial », mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure, parce que la condition de résidence est maintenue ; ce texte de loi la réaffirme même.

S'agissant du certificat, j'entends votre interrogation. Sans doute la question se pose-t-elle dans certains cas précis. Je rappelle tout de même que, pour un mariage entre une Française et une étrangère ou un Français et un étranger, comme pour les couples hétérosexuels, le code civil pose un certain nombre de conditions, notamment de consentement et d'âge. Quand ces conditions ne sont pas remplies, même si le constat en est fait après le mariage, il s'agit d'une cause de nullité de celui-ci.

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