Intervention de Dominique Bertinotti

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 février 2013 : 1ère réunion
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice et Mme Dominique Bertinotti ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé chargée de la famille

Dominique Bertinotti, ministre déléguée :

Certaines des questions qui ont été posées ne relèvent pas du présent projet de loi, mais j'y répondrai malgré tout bien volontiers, car elles sont fondamentales.

Comme je l'ai indiqué dans mon propos introductif, ce projet de loi nous offre une formidable occasion, celle de soulever, dans la sérénité, de nombreuses questions fondamentales, qu'il s'agisse de l'adoption, de la filiation, de la PMA ou de la recherche des origines. En qualité de ministre chargée de la famille, je ne peux que m'en féliciter, même si je me dois de vous mettre en garde sur le fait que certaines de ces questions sont indépendantes de l'orientation sexuelle du couple.

Il faut être très clair : on ne peut pas tenir un discours pour les couples homosexuels et un autre pour les couples hétérosexuels. Je souhaitais y insister.

Le projet de loi du Gouvernement vise à ouvrir le droit au mariage et à l'adoption aux couples de même sexe. Certaines questions qui ont été posées ne relèvent donc pas du présent projet de loi, mais elles auront leur place dans le futur projet de loi « famille », comme on le désigne aujourd'hui. Ce texte portera notamment sur les nouvelles filiations, donc sur les nouvelles parentalités.

J'en viens maintenant aux questions que vous avez soulevées, mesdames, messieurs les sénateurs.

En ce qui concerne la filiation, force est de constater que la filiation sociale est déjà une réalité. Comme je l'ai indiqué, un enfant sur neuf vit dans une famille recomposée. Il en résulte que certains enfants, dès leur plus jeune âge, sont élevés par un couple comprenant un seul de ses parents biologiques.

Or, aujourd'hui, l'autre parent n'a aucun statut. On demande que la société ait des repères, mais le droit reconnaît insuffisamment ou très mal ce parent dit « social ». Ce dernier est pourtant confronté à des difficultés de vie quotidienne très ordinaires. Ainsi, un parent social ne peut pas être responsable dans une fédération de parents d'élèves au titre de l'enfant qu'il contribue à élever avec sa compagne ou son compagnon.

Il faudra donc réfléchir à des mesures visant à apporter une sécurisation juridique et une protection tant à l'enfant qu'à l'adulte.

En ce qui concerne l'adoption, on l'envisage - enfin, serais-je tentée de dire - telle qu'elle se pratique aujourd'hui. Nous sommes ainsi amenés à réfléchir sur l'adoption internationale, qui est marquée par une restriction substantielle du nombre des enfants adoptés. Cette restriction est liée à des facteurs inhérents aux pays d'origine des enfants. Ces pays, qui sont aujourd'hui sur la voie du développement, souhaitent garder leurs enfants, y compris ceux qui sont adoptables.

L'adoption pose également la question de la protection de l'enfance, que vous avez aussi abordée. Il y a, en France, de nombreux enfants qui peuvent être adoptés. Pour autant, de par notre tradition de ne pas rompre les liens biologiques, beaucoup d'enfants - je le dis clairement - errent de famille d'accueil en famille d'accueil, ou de famille d'accueil en foyer.

Le système actuel d'adoption simple ou d'adoption plénière n'est peut-être pas la réponse la plus adaptée pour ces enfants. Sans doute faut-il travailler à une réforme de l'adoption, afin de trouver une voie entre notre volonté de maintenir les liens biologiques et le désir de certaines familles d'apporter à des enfants qui sont dans des situations difficiles une véritable relation affective et éducative. Il faut chercher des éléments nouveaux nous permettant d'aider nombre de nos enfants qui se trouvent aujourd'hui dans des situations d'errance éducative et affective, même si la protection de l'enfance essaie de parer au mieux.

J'en viens à la recherche des origines. Cette question, très intéressante, sera traitée dans le projet de loi « famille ». Elle concerne aussi bien les enfants nés sous X que les enfants nés par procréation médicalement assistée.

Le Conseil national d'accès aux origines personnelles travaille sur la recherche ou la potentialité pour les enfants d'accéder à un certain nombre d'informations. Pour l'heure, rien n'existe pour les enfants nés par procréation médicalement assistée. Or, contrairement à la gestation pour autrui, la PMA est autorisée en France, même si c'est pour des raisons médicales, comme le rappelait Christiane Taubira.

Le droit de l'enfant à connaître son histoire originelle est un véritable enjeu et un vrai beau débat. Dans une société qui réclame toujours plus de transparence, et sur tous les sujets, nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion sur ce thème.

Jusqu'où faut-il aller ? Pour répondre à cette question, il faudra prendre le temps de la réflexion et procéder à de nombreuses auditions. C'est un travail passionnant, qui mérite que l'on y consacre de longues heures de travail.

Enfin, en ce qui concerne le calendrier, comme nous l'avons indiqué à l'Assemblée nationale, le projet de loi sur la famille sera présenté à la fin de l'année 2013. En tout état de cause, le Gouvernement souhaite attendre que le Comité consultatif national d'éthique rende son avis, en septembre ou en octobre prochain. Nous avons donc le temps de procéder à des consultations et d'organiser des concertations, afin de dessiner avec précision les contours de ce projet de loi.

Le temps que nous avons devant nous est une chance, car nous pourrons, en tenant compte des progrès de la médecine, rechercher les moyens d'apporter, là où c'est nécessaire, une meilleure protection juridique aux enfants, qui doivent être au coeur des débats, mais aussi aux adultes, qui concourent à l'éducation des enfants et dont les droits méritent d'être reconnus, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas.

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