Monsieur le ministre, ma question porte sur les problèmes que rencontre l’apiculture en France, sujet qui n’a rien d’anecdotique tant sont importantes ses conséquences sur le maintien de la biodiversité.
L’hiver 2009-2010, après nombre d’autres hivers, a été particulièrement préjudiciable aux exploitations apicoles en zone d’élevage. De nombreux ruchers ont été décimés, entièrement ou partiellement. Or, les déclarations de mortalité faites auprès de la Direction des services vétérinaires, ou DSV, ne reflètent pas l’importance des dégâts, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, beaucoup de petits apiculteurs – exploitant moins de dix ruches – n’ont pas réagi face à cette mortalité. Lorsque la DSV envoyait ses experts apicoles, ces petits apiculteurs répondaient à ces derniers qu’ils n’avaient plus de ruches. Ils ont donc été rayés des listes de la DSV et ces ruches n’ont pas été prises en compte dans le calcul de la mortalité.
Par ailleurs, certains apiculteurs ne désirent pas que les pourcentages de pertes sur leur exploitation soient connus. Nous savons ainsi que des pertes importantes n’ont pas été déclarées.
Enfin, les pertes qui sont intervenues après le début du printemps n’ont pas été ajoutées aux précédentes pertes déclarées.
Pour le département de l’Aveyron, la fourchette de destruction des ruches, sur le seul hiver 2009-2010, a été de 3 500 à 5 000 ruches. Si un département en compte autant, qu’en est-il à l’échelon national ? De quelle manière peut-on évaluer la destruction de l’ensemble des ruchers, puisque les prélèvements de mortalité adressés, par l’entremise de la DSV, à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, ne sont pas satisfaisants ? En effet, les réponses données par cet organisme sont toujours des réponses d’analyses pathologiques. Or, ce qui semble le plus important, ce sont les analyses toxicologiques.
Prenons un exemple local. Un rucher de l’Aubrac composé de trente-cinq ruches neuves, avec de nouveaux cadres et des essaims de l’année, a été totalement décimé à l’issue de l’hiver. La réponse de l’AFSSA mentionnant « quelques traces de varroa » ne peut pas nous satisfaire : il est impossible que cela soit la cause d’une telle mortalité – à moins que nos apiculteurs soient mauvais, ce qui n’est pas le cas !
Certains apiculteurs, face à cette mortalité extraordinaire, ont réalisé des prélèvements qu’ils ont adressés directement au CNRS, sans donner de piste de recherche.
Il a été découvert des traces importantes de deltaméthrine. Cette molécule ainsi que la perméthrine sont les composantes principales des traitements contre la fièvre catarrhale ovine. Or, cette analyse n’est pas prise en compte parce que les prélèvements n’ont pas été faits dans les règles procédurales requises.
De plus, d’autres signes ont pu être relevés par plusieurs apiculteurs : des diminutions progressives du nombre d’abeilles malgré un couvain normal, certaines ruches ayant mis plus de temps que d’autres pour se vider totalement ; des désertions de ruches malgré des réserves abondantes ; des abeilles traînantes, incapables de voler ; une agitation anormale devant les ruches ou encore des situations complètement anormales sur les ruchers.
De manière succincte et résumée, il faut savoir que les abeilles ont besoin, pour leur élevage, de matières azotées qu’elles vont notamment chercher sur les fumiers. Une fois dans la ruche, la deltaméthrine reste dans les cires. À une température de 27 degrés, les abeilles récupèrent une activité normale, après ce que l’on appelle le knock-down. À 17 degrés, le knock-down s’achève par la mort d’un nombre significativement plus élevé d’abeilles, et la baisse de la température augmente ce phénomène. C’est notamment pour ces raisons que les phénomènes de mortalité ont quasiment tous été constatés à la fin de l’hiver.
S’il est vrai que ces causes ne sont pas les seules intervenant en matière de mortalité des abeilles, il est tout de même fondamental que des mesures soient prises concernant le traitement d’éventuels nids infectieux représentés par les fumiers et leur épandage.