Intervention de Benoît Hamon

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 février 2013 : 1ère réunion
Traçabilité dans la chaîne de fabrication et de distribution des produits alimentaires — Audition de M. Stéphane Le foll ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt de M. Benoît Hamon ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation et de M. Guillaume Garot ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

Les conclusions du service national des enquêtes de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont été transmises au Parquet qui a diligenté une enquête. Des auditions sont en cours à l'usine Spanghero.

La DGCCRF a été alertée le 5 février à la fois par les autorités du Luxembourg, où une usine Tavola appartenant au groupe français Comigel est implantée, et par l'entreprise Comigel, qui a saisi la DGCCRF de Moselle. Les investigations ont montré que cette filière remonte jusqu'à un abattoir en Roumanie, et implique, en outre, des traders aux Pays-Bas et à Chypre. Deux entreprises françaises sont concernées par cette tromperie économique présumée de grande envergure : 4,5 millions de plats cuisinés ont été écoulés dans 13 pays, mettant en jeu 28 sociétés.

L'entreprise Spanghero importe de la viande : elle en livre une partie à Comigel, société de préparation, et utilise l'autre partie pour ses propres plats qu'elle commercialise par ailleurs. Les pains de viande arrivés chez Spanghero étaient étiquetés avec le code douanier de la viande cheval, comme provenant de Roumanie, et avec la mention « BF », qui n'est pas l'abréviation de « boeuf », mais de boneless fores, « avants désossés ». Or, à la sortie de l'usine de Spanghero, les pains de viande portaient la mention « avants de boeufs désossés » et non plus « BF » ; la mention de provenance n'indiquait plus la Roumanie mais l'Union européenne ; et, sur certaines factures, le code douanier était devenu celui de la viande de boeuf. Ce faisceau d'indices concordants laisse penser que certains dirigeants connaissaient cette fraude. En outre, le prix d'achat de la viande cheval étant très inférieur au prix de la viande de boeuf, la marge réalisée a atteint un euro par kilogramme, contre 10 à 15 centimes pour la viande de boeuf. L'entreprise a ainsi réalisé un bénéfice indu de 550 000 euros grâce aux 750 tonnes de viande distribuées pendant six mois : plus de 500 tonnes ont été vendues à Comigel et 200 tonnes utilisées pour la préparation des produits Spanghero. Ces faits, établis par la DGCCRF et confirmés par les services vétérinaires dépêchés par le ministre de l'agriculture, font naître une suspicion de tromperie et ont été transmis au Parquet. Les agents de la DGCCRF apporteront leur concours à l'enquête judiciaire.

Avec le ministère de l'agriculture, nous voulons élargir les recherches afin de faire toute la lumière et restaurer la crédibilité de la filière pour éviter que les entreprises se retrouvent injustement en difficulté. La consommation de plats cuisinés a baissé de 5 % au cours du week-end en France, de 20 % en Angleterre. La crise de confiance est nette. Certes la viande de cheval n'est pas impropre à la consommation, mais il y a tromperie.

La comptabilité de Comigel sera passée au peigne fin car la mention « viande en provenance de l'Union européenne » aurait dû constituer un signal d'alerte, la mention du pays d'origine devant normalement être mentionnée. De plus, pour tout professionnel, la viande de cheval se distingue au toucher et à l'odeur. L'objectif est également d'identifier tous les pays et toutes les entreprises auxquels Comigel a vendu ses produits.

En outre, nous cherchons à nous assurer que les produits concernés ont bien été retirés de la vente : depuis la semaine dernière, 538 contrôles en ce sens ont été menés dans 70 départements. Outre cette filière, nous souhaitons également contrôler les échantillons d'autres filières d'approvisionnement, de transformation et de commercialisation de la viande. Les résultats seront connus dans les jours qui viennent.

Il nous fallait circonscrire le problème, prendre du recul et avoir une vue d'ensemble de cette filière qui représente des dizaines de milliers d'emplois, tout en répondant aux attentes des consommateurs bernés, y compris dans d'autres pays.

Le ministre de l'agroalimentaire reviendra sur le maintien de l'agrément sanitaire. Ni les salariés, ni les fournisseurs, ni les consommateurs n'ont à payer les pots cassés d'erreurs ou de fautes commises par les dirigeants. Je comprends l'inquiétude des salariés, mais le Gouvernement fait la différence entre des employés consciencieux et des dirigeants, peut-être à l'origine de ce système de changement d'étiquetage.

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